Suzanne Jamet a été, pendant des années, attachée de presse auprès d’éditeurs célèbres. Puis, elle a fondé sa propre société d’attachée de presse. Après un bref passage au journal Jeune Afrique, elle est entrée chez l’éditeur « L’Age d’Homme » et vient de créer sa propre collection.

Vous vous êtes occupées d’écrivains pour des éditeurs pendant plus de vingt-cinq ans, aujourd’hui vous vous lancez dans l’aventure d’éditer vous-même des auteurs, est-ce la suite logique de votre carrière ?

SJ : Cela fait des années que je m’occupe de mes propres auteurs ; j’ai travaillé sur leurs manuscrits et j’ai cherché des éditeurs qui leur correspondaient. Aujourd’hui, j’ai décidé de les faire travailler pour moi-même et de les éditer, ce qui me simplifie la vie ; c’est la suite logique de ce que j’ai toujours fait..

Y’a-t-il des auteurs qui ont eu envie de vous suivre dans cette nouvelle aventure?

Oui, quelques uns… Par exemple, Marie-Françoise Hans, que je vais publier en Novembre, Jeanne Assouly qui travaille à France Télévision et qui prépare un essai de géopolitique : elle m’apporte aussi une correspondance inédite de Stefan Zweig dont elle fera la préface…

Vous êtes installée dans une rue qui possède un mur, celui de l’hôtel des impôts, où est cité le poème « Le Bateau Ivre » de Rimbaud, à l’autre bout vous avez, L’église Saint Sulpice qui a été révélée au monde par un best seller le « Da Vinci Code » et cette rue est célèbre dans un autre best seller qui fait partie de la littérature mondiale. Le nom de votre collection paraît logique…

Oui la rue Férou est une rue très « littéraire » car elle réunit Rimbaud avec ce magnifique poème, Apollinaire qui y a séjourné, les Editions de l’Age d’Homme où j’édite, et elle est le domicile d’Athos dans le roman « Les Trois Mousquetaires » d’Alexandre Dumas. « Rue Férou » le nom de ma collection s’est imposé de lui-même.

Avez-vous une ligne éditrice très précise ou ce ne sera que des coups de cœur ?

La ligne sera basée sur des coups de cœur qui pourront être des romans ou des essais, mais qui ne parleront que du monde d’aujourd’hui. Je ne publierai jamais de littérature intimiste, elle m’ennuie profondément ! Je vais éditer, par exemple, à la rentrée, un roman historique sur la vie d’Eratosthène, astronome, mathématicien, géographe, philosophe grec du troisième siècle avant notre ère ; par ses recherches et ses écrits, c’est aussi une manière de comprendre le monde d’aujourd’hui et de mieux appréhender la vie de tous les jours.

Demain si on vous propose un polar qui se passe en Seine-Saint-Denis, ça peut vous intéresser aussi ?

Je suis une grande lectrice de polar et je suis fascinée de voir à quel point les auteurs de ce genre de littérature savent parler de la société, de leur pays. Par exemple, Arnaldur Indridason décrit l’Island de façon admirable. Ce qui m’intéresserait, ce serait d’aller regarder du côté de l’Afrique et d’y trouver des écrivains qui nous feraient découvrir ce continent à travers le polar. Il y a Henning Mankell qui en a écrit un, dans lequel il parle très bien du Mozambique ; il a aussi écrit « Le Cerveau de Kennedy ». J’ai un certains nombres de pistes, j’attends des retours.

Combien de livre avez-vous en chantier ?

Une quinzaine.

C’est énorme !

J’ai une quinzaine de projets, mais il va falloir revoir la rédaction des textes. J’ai eu un coup de cœur pour un livre sur la correspondance privée de Léon Bakst peintre russe, ami de Diaghilev. Il a réalisé les décors des « Ballets Russes » et, en 2016, on va fêter les 150 ans de la naissance de cet artiste. Il y aura une exposition au Musée Pouchkine, une autre au Palais Garnier et peut être une aussi au Victoria Hall de Londres. Je vais publier cette correspondance qui est merveilleuse tant au point de vue littéraire que pictural ; elle se termine sur des lettres avec Jean Cocteau. Il y aura, outre cette correspondance, la représentation des ses peintures. Elle a été traduite par Jean Louis Barsacq qui fait partie de la famille de Bakst et dont le père avait créé le théâtre des Abbesses. Je sortirai ce très beau volume en octobre 2015 avant les commémorations.

Parlez-moi de votre premier livre de la collection « Rue Férou »

C’est un journal de voyage, le long du Danube à la rencontre des Roms. C’est un texte très intime d’une jeune femme qui s’appelle Virginie Luc et qui est, au départ, grand reporter et qui a déjà publié des livres. Suite à ce voyage, il y a un an, elle en a parlé sur France Culture. Je l’ai entendu, je l’ai rencontré et on a décidé d’en faire un livre. C’est une autre manière de parler des Roms. On en parle beaucoup en France depuis quelques années et ce livre permet de cesser les amalgames en parlant de leur histoire, de leur identité, ce qu’elle fait très bien. J’espère que ce voyage permettra de réviser nos jugements, sur ces soi-disant voleurs de poules et aujourd’hui de téléphones portables. Cela fait des années que je suis Virginie : j’avais déjà lu ses manuscrits, elle écrit en plus de la poésie et elle fait partie de ces écrivains que je suis depuis longtemps.

Comment se fait le choix des auteurs ?

Souvent c’est par hasard, selon l’humeur de la journée. Par exemple, en ce moment, et c’est le fait du hasard, je suis en train de faire écrire un livre par les petites filles de Dreyfus et de Zola sur l’affaire Dreyfus. Il faut que le livre que j’édite soit conforme à celui que j’ai envie d’acheter lorsque j’entre dans une librairie. Le livre de Virginie Luc n’est pas épais, il ne coûte que 12 euros ; je veux faire des livres adaptés à notre modernité, et je propose donc des textes qui ne correspondent pas à des obligations d’éditeurs. Je veux des textes de tempérament.

La mise en page de ce premier opus est superbe ; la photo qui fait le recto et le verso de Joakim Eskidsen qui a fait tout un reportage sur les Roms est magnifique, allez-vous garder ce format, et toujours mettre ainsi une photo?

Ce sera toujours le même format, seule la pagination pourra changer en fonction des textes.

Vous travailler chez l’éditeur « L’Age D’Homme », vous laisse-il carte blanche ?

Je suis moi-même le comité de lecture, je décide seule ! C’est la vraie liberté non ?

Merci Suzanne !

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Dans la collection « Rue Férou » vont paraître en 2014:

Août : « Eratosthène » de Thierry Crouzet

Septembre : « Meurtres à Sciences Po » de Suzanne Azmayesh et « Le Gardien du Phare » de Nicole Leibowitz

Octobre : « L’Affaire Maurras » de Jean-Marc Fédida et « Mes Années avec Joseph Losey » de Patricia Losey

Novembre : « Histoire de Femmes et d’Argent » de Marie-Françoise Hans et « La Marquise sort à Cinq Heures » de Jean Blot

A propos de l'auteur

Réalisateur, journaliste

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