Ecrit par Hugues Royer, collection Rue Férou, éditions l’Âge d’Homme, 192 pages.

Hugues Royer est un auteur de biographies à succès (Mylène Farmer, Cabrel, Vanessa Paradis), il a publié des romans et des récits, il a la belle quarantaine, semble bien intégré dans son monde. Il m’a reçu dans son appartement bourgeois du 17eme arrondissement de Paris. C’est dans son écriture économe et fluide qu’il se lâche ; ce recueil de nouvelles nous embarque dans ses délires d’écrivains, un vrai régal !

Est ce que vous vous sentez à l’aise dans ce siècle ?

Pas vraiment, et je pense qu’en lisant mes nouvelles on doit s’en rendre compte. Une des raisons est cette accélération du monde, ce triomphe de la technologie qui finalement tente à réduire la part humaine de notre être ; le lien, le contact, entre les êtres humains sont de plus en plus problématiques.

Il n’y a seulement que la technologie qui vous pose problème ?

Elle nous apporte énormément de bienfaits mais en même temps elle nous éloigne les uns des autres ; elle finit par gouverner notre quotidien et c’est pour moi quelque chose de difficile à accepter.

Vous êtes journaliste pour la presse dite people, vous avez côtoyé, la banalité, l’individualisme à outrance, les égotismes, les narcissismes exacerbés, les suffisances, pensez-vous que c’est propre à notre siècle ?

De tout temps des gens ont eu des egos mais c’est vrai que c’est la société des médias qui a augmenté les egos de certains ; la télévision a participé à ce phénomène ; il est heureux que certaines personnes qui passent dans la lucarne arrivent à conserver une sorte de simplicité et de modestie.

Avec votre blog où vous avez de très nombreux followers, vous participez à ce mouvement non ?

Je suis de mon siècle, je suis partie prenante des réseaux sociaux, oui, j ‘ai un compte facebook, twitter, parce que ne pas être dans ces réseaux c’est se mettre en marge du monde d’aujourd’hui, mais on peut ne pas apprécier tout ce qui s’y passe.

Je vous pose toutes ces questions car la première nouvelle commence par, je cite « Camille n’était pas à son aise dans ce XXIème siècle » et la fin de la dernière, qui est peut-être autobiographique - l’histoire d’un peintre extrêmement côté qui laisse tout tomber, se réfugie dans une île du pacifique et chaque soir regarde la mer - vous écrivez : « Il voulait juste vivre, sentir son cœur battre et ses poumons se gonfler d’oxygène. Ses affres de peinture lui avaient trop longtemps pourri l’existence. Il avait droit à une part de bonheur »

C’était pour moi un fantasme, celui du créateur qui n’a plus d’inspiration et comme il n’a plus d’inspiration il n’est plus tourmenté par ses angoisses, et du coup il a le droit peut être à un bonheur simple, un bonheur simple auquel on peut aspirer lorsque l’on est un auteur un peu torturé.

Est-ce que ce n’est pas un fantasme de nanti ?

Peut-être, peut-être que je ne renoncerai pour rien au monde à ces angoisses qui me mettent en mouvement et de créer, mais c’est vrai qu’à certains moments on peut avoir cette envie, d’un repos de l’esprit et de goûter la vie qui soit juste dans l’instant présent sans aucune pensée et sans que des parasites viennent vous perturber.

Avez-vous eu beaucoup de parasites dans votre chemin de vie, sans entrer dans l’intime ?

Mon chemin est un long chemin d’émancipation et de quêtes identitaires sans fin ; je suis issu d’un milieu agricole, j’ai grandi à la campagne, dans le silence de la campagne, dans un village, ce sont des racines importantes pour moi, des racines populaires ; mon parcours c’est un accès progressif à la lecture, à la culture, c’est une façon de passer du village, à la ville moyenne, et puis d’arriver à l’âge de dix huit ans à Paris en khâgne de philosophie ; c’est vrai que la grande aventure pour moi c’était de débarquer à Paris mais non comme Rastignac, comme quelqu’un qui ouvre des grands yeux et qui se demande ce qu’il fait là, très intimidé par la ville qui s’offre à lui.

Vous avez écrit une bonne dizaine de romans, vous êtes un intellectuel et vous aimez la vraie chanson populaire, vu les trois biographies de chanteurs que vous avez écrites.

Oui, j’ai grandi en regardant Champs Elysées le samedi soir en famille avec une vénération pour les célébrités qui sortaient des automobiles devant le studio Gabriel et c’est vrai que lorsque j’ai pu dîner avec Michel Drucker c’était quelque chose de très important pour moi.

Aviez-vous envie de pénétrer dans cet univers ?

Quand j’étais enfant je m’inventais des histoires et parmi celles que j’inventais, j’étais patron d’une chaîne de télé ! J’avais des action Joe, des poupées mannequins et j‘avais conçu des studios, de vrais studios de télé ; j’inventais des émissions, des séries, j’étais le patron qui faisait ce qu’il voulait sur cette chaîne de télé !

Et vous n’avez jamais travaillé pour la télévision?

En fait j’ai écrit pour AB productions, j’étais scénariste pour une série qui s’appelait la Philo selon Philippe. Comme j’avais été professeur de philo, ça m’aidait beaucoup ; c’était une opportunité qui avait été assez jouissive parmi tout ce que j’ai pu faire. J’ai fait aussi des trucs assez bizarres, j’ai été le nègre littéraire de Madame Soleil !

Alors parlez-nous de cet amour inconditionnel pour cette belle rousse qu’on trouve dans une de vos nouvelles ?

Mylène Farmer alias Marlène Turner, n’est pas une vraie rousse, c’est un choix artistique ; lorsqu’elle a commencé à chanter il y avait Jeanne Mass qui était très brune, il y avait des blondes partout, elle a trouvé ce biais pour s’imposer dans le monde du showbiz et elle y est encore. Lorsque j’ai écrit la biographie, en 2008, je ne pensais pas qu’elle tiendrait aussi longtemps.

L’aviez-vous rencontrée ?

Ca m’est arrivé de la rencontrer effectivement mais ce n’était pas pour écrire cette biographie.

Vous étiez un vrai fan de ses chansons ?

Absolument ! Depuis le jour où j’ai entendu une chanson à la radio qui s’appelle « A quoi je sers » et qui était une question qui résonnait en moi ; à rien du tout disait-elle, c’était assez provocant.

Vous vous trouviez en phase avec elle ?

Oui, je me demandais à quoi je pouvais bien servir dans la vie.

Cet aparté par rapport à Mylène nous ramène à votre livre ; on pourrait y voir la continuité de ces nouvelles comme une suite de chansons. Elle sont courtes, concises dans l’écriture, racontent une histoire très précise et avec une vraie chute.

Ce que vous me dites là est très curieux et très intéressant parce que lorsque j’ai écrit ces nouvelles, je les ai imprimées et je me suis demandé dans quel ordre j’allais les placer ; j’ai vraiment pensé à un album de chansons en me disant voilà quelle va être la première, la dernière, et comment elles allaient s’articuler les unes aux autres ; j’avais ce schémas du tracklisting de l’album ; c’est un long album parce qu’il y a vingt deux nouvelles ! Ce que vous ne savez-pas c’est qu’à un moment donné de ma vie j’avais envisagé d’être chanteur ! J’ai écrit des chansons et j’ai mis fin à mes velléités d’être chanteur le jour où j’ai rencontré Pascal Nègre, le patron d’Universal ; je ne sais pas pourquoi ce jour là j’ai tout arrêté; il a écouté, devant moi, mes chansons, il les a trouvé bien, il m’a donné la carte d’une de ses collaboratrices et m’a dit de la contacter de sa part, mais je ne l’ai jamais fait. Elle aurait pu me signer chez Universal !

Vouliez-vous être chanteur réellement ? Jouez-vous d’un instrument ?

Je joue un peu du piano, je pense que j’avais le fantasme d’être chanteur, comme Houellebecq rock star ; cela doit être extraordinaire de faire Bercy ou le Stade de France, mais je pense que je ne suis pas fait pour ça ; je suis quelqu’un qui oscille entre l’ombre et la lumière mais plus à l’aise dans l’ombre. Il faut une grande part d’exhibitionnisme pour faire ce métier.

De temps en temps vous vous regardez dans la glace ?

Ca m’arrive…

Et voyez-vous un monsieur qui commence à avoir du ventre ?

Alors pas trop ; c’est effectivement l’histoire d’une de mes nouvelles, assez amusante je pense ; c’est une sorte de Casanova qui met très facilement les femmes dans son lit et puis qui va être complétement inhibé par l’apparition d’un petit ventre qui le mortifie complétement ! C’est une nouvelle avec un vrai regard masculin.

Il faut la lire pour savoir ce qu’il adviendra de ce personnage, et nous sommes tous très concernés par ce que vous avez écrit! D’ailleurs à vous lire je pensais être en face d’un écrivain plus âgé que ne vous l’êtes, mais très dans l’actuel.

Oui ce recueil est branché sur le monde d’aujourd’hui ; il y a une fille qui est complétement addicte aux réseaux sociaux, une autre qui a le portable dernier cri et qui ne sait pas s’en servir…

On pense que c’est un livre très autobiographique, un livre à clés

Il y a une part d’autobiographie ; il y a une nouvelle qui est assez drôle qui s’appelle le ministre, je l’ai vécu. J’ai appelé le ministre Tesson, on reconnaîtra rapidement le vrai nom ; il y avait une affaire d’adultère entre ce ministre et une jeune femme un peu légère et sa femme qui me contactait ; c’était une sorte de triangle amoureux et moi en tant que journaliste people j’étais complétement immergé dans cette histoire.

On ne racontera pas la fin qui est très forte !

Oui, il paraît !

Vous avez énormément travaillé les fins de vos nouvelles et c’est un vrai plaisir ! Ce n’est pas si évident que cela de trouver une bonne fin ?

C’est un vrai jeu, intéressant en même temps. Mon éditrice m’avait dit étonne toi dans tes fins ! Et c’est vrai qu’en relisant il y en avait certaines qui étaient un peu attendues.

Par exemple, il y a une nouvelle tragique et la fin que vous lisez aujourd’hui n’était pas celle que j’avais imaginée au départ et c’est mieux ainsi.

Avez-vous participé à des ateliers d’écriture de scénarii, car ces nouvelles feraient de bons courts-métrages ; celle du chanteur enfermé dans la chambre d’un palace par exemple ; on reconnaît tout de suite le personnage mais la fin est un vrai délire.

A la fac j’ai effectivement assisté à un atelier d’écriture de scénario, mais il faut faire sa place ; oui j’aimerai écrire des scénarii, mon plaisir est de raconter des histoires, tous mes personnages ont un relief.

Ce qui est impressionnant dans vos nouvelles, c’est qu’en trois pages, vous nous faite vivre un personnage, vivre une histoire et vivre une fin, c’est quand même un certain art de la narration.

Merci ; dans mes romans, comme Est-ce que tu m’entends ? qui va sortir en poche, il y a aussi cette économie de mots ; il paraîtrait qu’un producteur serait intéressé!

Comment vous est venu le titre de ce recueil ?

Ces nouvelles trimbalent un petit peu un univers sombre, gris, il y a quelque chose de désenchanté dans ce livre; du coup je voulais un titre qui donne de la pêche, de l’espoir parce que je me suis aperçu à postériori, après avoir écrit le livre, que la plupart de mes personnages sont souvent un petit peu enchaînés à une vie qu’ils n’ont pas complétement choisie, qui ne leur donne pas totalement satisfaction. A un moment donné il y a un déclic, un train qui passe, vont-ils monter ou pas ? C’est un train de liberté, qui va leur permettre d’exister autrement; ils ne prennent pas tous le train mais c’est pour ceux qui le prennent que j’ai trouvé ce titre : « Et Les Rêves Prendront leur Revanche » pour leur donner de l’espoir peut-être.

Et vous, êtes-vous dans le train ou vous le regardez passer ?

Moi en général quand un train passe je monte dedans ! Mais il m’est arrivé d’attendre un petit peu trop longtemps avant de monter et certains me sont passés sous le nez, du fait de mon hésitation !

Peut-on vivre en écrivant de la littérature ?

Ce serait bien, mais en même temps ce serait un esclavage, on est condamné au succès ; être dans la position d’un auteur de best seller qui a peur à chaque nouveau livre, c’est une forme d’asservissement; j’ai un travail qui me permet d’être libre, je suis journaliste people, et ça me donne une certaine liberté. Faire un recueil de nouvelles c’est un vrai plaisir, une parenthèse, comme un interlude entre deux romans qu’un Bernard Werber ou un Marc Levy ne peuvent pas se permettre.

Alors souhaitons que ces rêves deviennent un best seller et pourquoi pas un film !

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