En France, une femme meurt tous les 2 jours sous les coups de son compagnon, et toutes les 6 minutes une femme est violée.

L’Organisation des Nations Unies (ONU) a proclamé, en 1999, le 25 novembre comme la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. C’est une journée de lutte et de sensibilisation.

Cette année, la Journée orange sera prolongée pour 16 jours d’action contre la violence liée au genre. Cette campagne internationale démarrera le 25 novembre et se terminera le 10 décembre, Journée des droits de l’homme.

La date du 25 novembre a été choisie en mémoire des trois sœurs Mirabal, militantes dominicaines brutalement assassinées sur les ordres du chef d’État, Rafael Trujillo.

Quelques faits et chiffres :

*Jusqu’à 70 pour cent des femmes sont victimes de la violence au cours de leur vie.

*Entre 500 000 et 2 millions de personnes font l’objet de traite tous les ans à des fins de prostitution, de travail forcé, d’esclavage ou de servitude, selon les estimations. Les femmes et les filles représentent près de 80 pour cent des victimes découvertes.

*On estime que plus de 130 millions de filles et de femmes actuellement en vie ont subi des mutilations génitales féminines, principalement en Afrique et dans certains pays du Moyen-Orient.

*Le coût de la violence perpétrée par un partenaire intime aux États-Unis seulement dépasse 5,8 milliards de dollars américains par an : 4,1 milliards de dollars américains pour frais médicaux et soins directs et à près de 1,8 milliard de dollars pour les pertes de productivité.

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A Paris à la mairie du XIV arrondissement il existe un « Point Femme ». Il est le seul de la capitale en dehors des associations.

Entretien avec Isabelle Alexandre qui l’a mis en place.

 

Comment devient-on délégué d’un Point Femme auprès d’un maire ?

Il faut s’être battue pour l’égalité femme/homme. En 2001 lorsque l’observatoire de l’égalité femme/homme a été crée par Anne Hidalgo, j’ai été nommée chef de projet sur les violences. En 2003, en tant qu’élue du XIVème, j’ai fait des permanences, et c’est à ce moment là que j’ai rencontré des femmes, des cas sociaux, qui venaient me voir pour des problèmes de travail, d’appartement, et là, je me suis aperçue que la plupart étaient marquées par des problèmes qui pouvaient être liés à des violences. Au cours des conversations, elles se sont mises à parler de ce qu’elles vivaient, de leur souffrance et j’ai découvert un véritable iceberg. Sur 20 femmes que je recevais, il y en avait 18 qui avaient des problèmes. Soit elles subissaient des violences psychologiques, soit des violences physiques. Ils faillaient qu’elles quittent précipitamment leur lieu conjugal. Au départ je ne comprennais pas pourquoi. Elles me disaient qu’elles ne s’entendaient pas avec leur mari, mais je trouvais qu’elles avaient des façons d’être que j’avais étudié « en théorie ». Petit à petit, je les ai fait parler et je me suis rendu compte que les trois quart venaient pour des problèmes de violence.

En 2008, avec le maire du XIVème Pierre Castagnou, j’ai demandé qu’on crée une cellule pour recevoir ces femmes car c’était un vrai problème. Donc on a mis en place ce « Point Femme 14 » à la Mairie. La Mairie c’est comme la maison mère, c’est un endroit neutre et ça compte énormément parce que beaucoup ne veulent pas faire la démarche pour aller voir un psychologue ; elles veulent bien venir en parler à la Mairie pensant que ça va les aider. Mon travail c’est surtout une écoute au départ. C’est souvent bouleversant, au bout de dix minutes elles sont en larmes. Après les avoir écoutées, j’essaye de leur expliquer qu’elles ne sont pas coupables, c’est souvent ce qui sort de leur conversation, mais des victimes de pervers. J’essaye de leur redonner confiance en elles et de les orienter vers le commissariat pour porter plainte. Beaucoup ont peur de le faire. On est arrivé depuis peu de temps que les mains courantes qui touchent les violences soient retenues comme une plainte. J’essaye de les diriger vers les psychologues, mais les violences psychologiques les mettent dans de telles situations d’humiliations, qu’elles ont peur qu’on les prenne pour des folles.

De quels milieux viennent-elles ?

Ca touche tous les milieux, tous les âges, mais maintenant j’ai de plus en plus de jeunes femmes. Il y en a de 25 ans. Celles qui ont des enfants, c’est encore plus dramatique. Je travaille avec l’assistante sociale, je les vois assez régulièrement pour savoir où elles en sont, je leur fais faire un plan de vie. Je leur donne des adresses pour les diriger vers des associations, des psychologues. J’essaye de garder le contact, mais il y en a qui sont dans un tel état qu’elles ne peuvent plus bouger tant elles ont peur. Il y en a une que je suivais depuis 4 ans, elle est arrivée à s’en sortir, elle était même venue témoigner à une réunion débat que je fais avec mon partenariat et là je n’ai plus de nouvelle. J’ai essayé de savoir ce qu’il lui était arrivé et j’ai appris qu’elle sortais seulement accompagnée par l’homme qui lui tient la main…Que faire, je suis très désemparée, c’est la vie privée des gens, on ne peut pas agir. La violence psychologique est invisible et peut être faite pendant de nombreuses années. La violence physique est plus facile à déceler. Le type est emmené en prison, il fait de la garde à vue. Là cette violence, cette peur de rentrer chez soi, de ne plus pouvoir, vouloir sortir c’est terrible. Le type de cette femme par exemple mettait de l’argent sur son compte, il avait travaillé dans la même boîte. Au départ c’est toujours une histoire d’amour. On est heureux tous les deux ensemble. Pourquoi avoir des amis, la famille, et ainsi petit à petit il isole la femme. La seule personne qui lui reste c’est celui qui la fait souffrir. Cette femme était un médecin, il ne voulait plus qu’elle travaille! Ils ont eu un enfant. Elle s’est réveillée quand sa fille a eu 13 ans parce qu’il a commencé à maltraiter leur fille et levait la main sur elle. Là elle s’est mise à bouger.

Est ce que ce genre de cellule existe dans les autres Mairies ?

Non, il y a un autre point femme dans le 13ème mais pour les associations. Ca fait partie du contrat parisien de sécurité. La Mairie de Paris a mis en place toute une série de diagnostiques, de mesures, de préventions, et la violence faite aux femmes en fait partie au même titre que toutes les autres violences qu’on peut rencontrer dans la ville.

Comment ces femmes ont su que cette cellule existait ?

Il y a beaucoup de bouches à oreilles, il y a eu des campagnes générales à Paris, dans toute la France. En pourcentage, Paris représente sur la violence faite aux femmes autant que sur la France.

Au niveau ethnie est ce que vous voyez une différence ?

Il y a de tout. Peut-être un peu plus des magrébines, à cause de leur religion - la femme doit respect à son mari -, mais beaucoup d’africaines et des européennes - surtout de l’Est. Par semaine je vois une dizaine de personne dont peut être trois nouvelles et les autres sont des anciennes. C’est par période. Souvent c’est après la rentrée des classes qu’elles viennent me voir. Les enfants sont en classe alors elles peuvent s’occuper d’elles. Je commence à avoir des chinoises qui arrivent en France et qui ont des problèmes de violence avec l’homme - des européens - qui les a fait venir. Soit elles téléphonent à la Mairie, soit elles ont vu qu’il y avait une structure d’accueil sur le journal de la Mairie. Lorsqu’elles viennent à la Mairie, elles vont à l’accueil prennent des prospectus, pas forcément celui qui les concerne, puis elles reviennent un autre jour, prennent le dépliant, l’ouvrent, s’informent. Comme nous sommes près de la gare Montparnasse, elles arrivent de province complètement perdues et vont directement à la Mairie. Elles ont fuient, ont besoin qu’on les aide. A Paris, elles sont incognitos et espèrent s’en sortir loin de l’homme qui les fait souffrir. C’est un vrai parcours de combattant.

En dix ans avez-vous vu une évolution ?

C’est l’âge des femmes, elles sont de plus en plus jeunes. Avant c’était des femmes plus âgées. Elles avaient casé leurs enfants, elles pouvaient essayer de résoudre leur problème, en parler. Je pense que les campagnes contre la violence commencent à faire de l’effet et leur donnent envie de parler. A Paris il y a des référents qui sont formés et qui sont à l’écoute dans les commissariats.

Faire une journée, comme la journée de la femme, la fête de la musique, la gaypride n’est-ce pas réducteur ?

Le ministère des droits des femmes fait des choses formidables. Il veut obliger tous les hommes politiques à suivre des formations sur l’égalité femme-homme dont une partie sur les violences. Il faudrait aussi que les médecins aient dans leur cursus un cours sur les violences parce que ce sont les premiers qui pourraient poser la bonne question à ces femmes. Lorsqu’ils reçoivent une femme dépressive, ou avec des bleus et qui est régulièrement malade qui est d’une maigreur hallucinante ils ne pensent pas qu’elle puisse avoir des problèmes à la maison. J’ai eu une femme qui avait un homme qui la privait de manger et qui ne lui donnait pas un sous. Il venait manger un steak devant elle. Elle était d’une maigreur, un souffle. Il ne la battait pas, il l’affamait. Un autre lorsqu’il rentrait, la déshabillait et la mettait à la porte en chemise de nuit devant chez eux toute la nuit.

Il n’y a pas de rapport sexuel ?

Quelques fois elles sont violées. Elles tombent enceinte de plusieurs enfants sans les vouloir. Elle reste à cause des enfants. C’est toujours la même histoire : une histoire d’amour qui entraîne une jalousie infernale. Elle lui appartient, il lui fait subir des violences puis il lui demande pardon et petit à petit ça se dégrade.

Et l’avenir ?

Je voudrais faire un travail sur les jeunes, les faire réfléchir sur l’autre. Il y a de la violence à l’école. Dès l’enfance il faut faire comprendre que le droit du plus fort n’est pas une solution pour vivre ensemble. L’Association « JE TU IL » fait un travail magnifique auprès des jeunes. Il est basé sur le dialogue, l’écoute. Et puis j’aimerais organiser, comme dans les associations, des rencontres entre femmes violentées à la Mairie. A la Mairie, elles viennent facilement pour des problèmes administratifs et pourraient profiter de venir à ces réunions sans être suivies ou parce que l’homme est au travail. Il faudrait faire des « Points Femmes » dans toutes les Mairies.

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Pour mieux comprendre, un livre, un témoignage :

« Faut-il vivre avec un pervers ? »
de Sylvie Hansi
Les éditions de Panthéon

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