Décalé. Chimérique. Envoûtant. Quand Marion Corrales rencontre le guitariste Alexandre Bellando, on se retrouve projeté bien loin des tubes que crachotent les radios à longueur de journée.

Crédit photo: Rudy Waks Art design by Black Virgin

Vous n’aurez pas droit au périodique son qui souhaite faire de vous des pseudo latinos dragueurs le temps d’un été, un verre à la main, et regard de tombeur à la clef. Non, Marion Corrales ne suivra pas vos lubies pour votre simple plaisir, mais vous propose une téléportation aller simple dans son univers. Vous ne pouvez pas prendre que la partie que vous aimez. Car ses créations sont le reflet authentique de sa personnalité, à la fois délicate et détonante.

Aperçu en première partie de concert d’Einaudi, le duo arborait un costume pour le moins extraordinaire. De la robe de princesse blanche d’une contrée inconnue (de la créatrice Rosa Tapioca) au costume tout aussi immaculé d’Alexandre, les yeux recouverts d’un bandeau de paillettes d’Equateur, l’on plonge aussitôt dans un univers éclectique mais harmonieux, mélancolique mais léger. De l’anglais au français, les textes nous font voyager tout en faisant des clins d’œil à notre quotidien.

« Gun and Mustache », (réalisé par Prodéïne) titre qui a mené Marion et Alexandre aux Solidays:

Marion Corrales, c’est un subtil mélange de talents en tout genre. Si nous la connaissons essentiellement pour son timbre de voix aujourd’hui, elle a d’autres cordes à son arc: du mannequinat en passant par le théâtre et le cinéma, la rouquine n’a pas perdu de temps pour se jeter dans l’univers artistique.

Est-ce que tu peux me raconter ton parcours et quelques unes de tes péripéties d’artiste?

Mon parcours est assez atypique, et s’est tissé à partir d’heureux hasards et de rencontres enrichissantes. Quand j’avais trois ans, je me promenais en famille à Paris, j’ai été repérée par ma chevelure rousse et j’ai été interpellée dans la rue par des recruteurs d’une agence de mannequinat. C’était le début de l’aventure pour mon frère et moi dans le milieu de la mode, pour Kenzo et Benetton. Rien nous prédestinait à découvrir le milieu artistique et aujourd’hui, mon frère est membre du groupe d’électro Dirtyphonics, et moi je vais enregistrer on premier EP à la fin du mois. Je pense que la musique et sincérité ne font qu’un, c’est le canal qui me permet de m’exprimer, et de m’épanouir artistiquement. Aussi, si le théâtre m’a énormément apporté du point de vue de la créativité, la musique m’a donné, elle, une grande liberté. Bien entendu, le milieu artistique me fait connaître des hauts et des bas, mais après réflexion, toutes les choses qui ne se sont pas forcément déroulées comme je le souhaitais m’ont amenée à en découvrir de nouvelles. Par exemple, j’ai toujours écrit les scénarios, comme pour “Gun and Mustache” mais Prodeïne a fait la réalisation, ou encore “Sleepless lover”, mais Sébastien Rastoix s’est occupé de la partie réalisation. Mais c’est à partir du Vidrix project (avec Drixxxé) que je me suis mise à filmer et faire du montage.

«P.S.M», The Vidrix Project:

D’où te vient l’inspiration pour créer des clips aussi décalés ?

Les choses me viennent naturellement par l’improvisation et les rencontres. Par exemple, pour mon nouveau clip, Keen, (que l’on peut voir ci-dessous), je me suis inspirée du clip de la chanson « Not about love » de Fiona Apple, dans lequel figure, Zach Galikianakis, l’acteur de Very Bad Trip. Et puis la rencontre avec Benjamin Georjon, comédien qui m’a aidée à faire mon set, a été à l’origine de l’histoire. On a imaginé le scénario ensemble. Comme on travaillait sur mon spectacle, il chantait mes chansons et ça me faisait beaucoup rire.

Son nouveau clip, « Keen », The Vidrix Project:

Et comment as-tu glissé du milieu théâtral à la musique ?

J’ai commencé les cours de théâtre à l’âge de dix ans, je suis passée par le conservatoire, et à mon retour de New York, j’ai rencontré les gens dont j’avais vraiment besoin dans le domaine. J’y ai étudié la performance à la Tisch School of the Arts, et j’ai écrit mon mémoire sur le parathéâtre et Grotowski. Donc j’ai été amenée à travailler en Italie avec une des élèves du Laboratoire de recherche théâtrale de Grotowski, Rena Mirecka, et cette expérience était tellement forte qu’en rentrant à Paris j’ai voulu explorer la chute du quatrième mur d’un autre angle que celui du théâtre, par la musique et le rapport direct avec le public. Mais je pense que je n’ai toujours pas quitté le milieu théâtral, parce que même si je semble m’adonner davantage à la musique, le milieu musical n’est pas une rupture avec la comédie. C’est une autre interprétation, qui me permet encore de m’amuser en me déguisant, au gré des rôles que je peux créer et défaire, à travers mes clips notamment.

Et si on fouillait dans ton Ipod?

Vous trouverez sûrement les grands classiques du jazz comme Nina Simone, Billie Holiday, ou même quelques morceaux de Gospel. Du côté de la scène française, je penche pour June et Lula, Mathieu Deslongchamps très jazz et voix de velours ou encore Christine and the Queens. Je fuis les personnages formatés, dont l’essence artistique semble se noyer dans le flot des tendances. Et l’influence de la musique électronique me fait chercher une certaine intensité, des crescendo dans les mélodies, avec, cerise sur le gâteau une belle voix comme Sugar Man, par exemple. Je t’avoue que je suis fidèle à mes artistes coup de cœur, dont Fiona Apple et Camille qui ont su trouver, à mes yeux, le subtil équilibre entre la cohérence artistique et leur capacité à se réinventer au quotidien.

Plutôt Audrey Hepburn ou Calamity Jane ?

En fait, je suis plutôt un caméléon. Je pourrais avoir l’air d’une aventurière à la Calamity Jane, même si mes périples en Inde n’ont pas été des plus gais. J’ai vécu mes séjours en Equateur, à New York, ou encore à Bali comme des voyages initiatiques. L’Inde a profondément remis en question mes valeurs, j’ai connu l’American Dream new-yorkais sur les planches de Broadway dans Macbeth. Mais le besoin de revenir en France s’est imposé pour mettre à plat tout ce qui venait de m’arriver et en tirer quelque chose. Mais d’un autre sens, je savoure aussi les petits plaisirs de citadine au quotidien.

Crédit photo: Iris Della Roca

Quel est ton graal en tant qu’artiste ?

Ce qui m’intéresse dans la scène c’est le côté mystique. N’ayant pas de religion en particulier, la musique est pour moi une quête « spirituelle », une manière de chercher qui je suis réellement, comment je peux mettre mon talent au service des autres dans ce monde. Mon but suprême serait non pas d’atteindre la notoriété pour les paillettes, mais mon Graal serait de toucher cette intensité presque mystique des artistes qui ont réussi à changer des choses pour les gens.

En soi, si l’on devait résumer Marion Corrales en un mot, ce serait celui d’ « authenticité ». Loin des artistes qui se cachent derrière des pseudonymes et des mises en scènes extravagantes, changeant au gré des humeurs du public, la jeune femme nous offre son talent à vif, sans fioritures. Et ça fait un bien fou de rencontrer encore du talent pur et sincère, dans un milieu où le marketing tend à effacer toute note qui sortirait des sentiers battus.

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