François Hollande nous annonce, durant sa conférence de presse de rentrée qu’à Gauche, « la dispersion, c’est la disparition ». Ce constat fataliste serait-il marqué du sceau de la prémonition ? Et surtout concerne-t-il uniquement la Gauche ? Aidé de Simone Weil, retour sur une possible implosion des partis. La fin de l’été semble, en effet, avoir attaqué le moral de nos chers politiciens, tant à Droite qu’à Gauche. Jeudi 27 août, c’est un Parti socialiste divisé qui s’est retrouvé à La Rochelle. D’un côté, le camp du Président, dont le virage libéral n’est même plus camouflé. Valls et Macron font de leur droitisation une marque de progrès et critiquent ces « conservateurs » qui refusent de faire évoluer le Parti. C’est cette aile gauche du parti qui fait bande à part, sous la houlette de Christian Paul, Benoit Hamon ou encore Aurélie Filipetti. Mais n’oublions pas l’acrobate habile qui, au centre, tente de recoller les morceaux : Cambadélis, entre deux traits d’esprits, appelle à la réunion du Parti. On se demande si le PS, en tant que tel, survivra encore bien longtemps à ce grand écart doctrinal. Et comme un « malheur » n’arrive jamais seul, du rose au vert il n’y a qu’un pas. François de Rugy, coprésident des députés écologistes annonce, de concert avec Jean-François Placé, son départ d’EELV. Fausse note notoire pour un parti dont la présence politique peine encore et toujours à s’affermir. L’harmonie est rompue et n’épargne pas non plus le Front de Gauche dont une partie des membres veut composer avec le PS. Mais, n’ayez crainte, adhérents et gens de Gauche, cet éclatement concerne l’ensemble de la sphère politique. C’est probablement chez Les Républicains que la rupture est la plus impressionnante. Juppé et Fillon ne cessent de se tirer dans les pattes sur un terrain traditionnellement UMP, voir centriste. On ratisse large chez nos deux compères dans l’espoir de tirer son épingle du jeu. On change de nom mais sans remettre en question les règles du jeu, relativisons donc la renaissance d’un Parti dont la mécanique interne persiste. Seul Nicolas Sarkozy semble se désintéresser de la ligne Droite, virage à 90 pour l’ancien président qui, probablement déboussolé par la force d’attraction libérale, patauge dans un étang Front national. Quand les Le Pen se déchirent, combat de coqs (français s’il vous plait) la souris danse. La zizanie politique et la faiblesse des programmes sont rapidement noyées sous les discours présidentiels de chacun. Pour eux, c’est déjà 2017 et ils s’attachent à franchir ce Rubicon électoral. Les partis se fragmentent et nous autres, petit Peuple, nous doutons plus que jamais de leur légitimité à gouverner. Si Chevènement fait alliance, sans sourciller, avec Dupont-Aignan (bel effort pour notre ponte broussailleux), que reste-t-il de la traditionnelle division politique de la République ? Peut-on encore lui trouver une pertinence et surtout le devons-nous ? Ces récents évènements, signes d’une classe politique en péril, m’ont incité à relire un cours essai de Simone Weil. Dans sa Note sur la suppression des partis politiques, cette figure de l’Histoire, pose, dès 1940, et avec la plus grande simplicité, les conditions d’existence des partis, leurs problèmes fondamentaux et leur improbable mais néanmoins nécessaire disparition. Elle les considère d’abord comme des machines à fabriquer des passions collectives, outils nécessaire à l’émulation populaire. L’éternel discours alarmiste sur la sécurité et l’immigration, le chômage et l’éducation - afin de toucher des électeurs plutôt que de leur proposer des programmes complets et efficaces – assied l’idée qu’en politique on inquiète et on rassure pour tenter d’attiser l’engagement citoyen. Sans grand succès si l’on en croit le taux de participation aux élections, en chute constante. Mais c’est surtout ce que Weil décrypte du fonctionnement interne aux partis qui semble avoir, aujourd’hui plus que jamais, une pertinence analytique. Deux éléments essentiels à sa description : d’une part la pression collective des membres du parti sur la pensée de chacun d’entre eux ; de l’autre, la croissance du Parti et son accession au pouvoir comme finalité en soi. C’est grâce à ces deux critères qu’elle nous explique le « germe totalitariste » inhérent aux partis. Ces grandes familles politiques ont depuis longtemps oubliées que leur organisation a pour but la défense d’un programme et non la concordance avec une idéologie établie à priori. On s’offusque, au sein même du PS, du virage gouvernemental vers une politique de l’offre ou d’une réforme du code du travail. On marque du signe de la trahison le sarkozysme, dont le bleu marine, et les manœuvres du cavalier Mélenchon. Autrement dit, on ne tolère pas les déviances personnelles de ces personnages politiques qui se doivent de coller à l’image du Parti ou en partir. « Notre démocratie [est] fondée sur le jeu des partis, dont chacun est une petite Eglise profane armée de la menace d’excommunication », Weil décrit à merveille un fonctionnement institutionnel antidémocratique et sclérosé. Aucun politicien n’est autorisé à marquer ouvertement sa prise de distance avec le parti. Le diktat de la pincette prime car, sans parti, pas de prise de pouvoir. Alors on brode, on critique ses opposants, on ne parle pas de divisions mais de divergences. Ça donne des ailes (politiques) mais peu de solutions. Les pontes du Parti, à force de s’éloigner, n’ont alors plus rien en commun mais continuent de composer ensemble. La politique de l’offre actuellement prônée par la Loi Macron et la réforme prévue du code du travail ne sont, en aucun cas, des manœuvres de Gauche. Néanmoins, les ministres du président Hollande sont adhérents du Parti socialiste, traditionnellement pour une politique de la demande. Nous acceptons cet écart du fait qu’il soit chapeauté par le parti, par l’idée même qu’on se fait du parti. Nombre d’électeurs n’auraient pas voté socialiste en sachant qu’une telle politique serait mise en place, et peut-être que certains électeurs de droite auraient appréciés un tel discours lors des présidentiels. Il faut simplement clarifier les positionnements de chacun et définir leurs actions comme de Gauche ou de Droite, libérales ou étatistes. Et, bien sûr, si nécessaire, marquer la scission, comme je le conseille aux frondeurs socialistes. Plus encore, selon Weil, ce grand écart permanent entre la résolution des problèmes politiques et l’adéquation à son groupement est impossible. Ces deux soucis ne facilitent pas le travail des politiciens. La barrière institutionnelle et idéologique bloque la gestion de la vie publique. A force de préserver leur image en fonction du Parti, c’est l’épuisement et donc l’inaction. Pour Weil, l’étiquette de Parti est un obstacle. Il faut « s’élever aux possibilités de l’association et de dissociation selon le jeu mouvant des affinités ». Je ne m’offusque aucunement de l’alliance entre Chevènement et Dupont-Aignan, tous deux ouvertement souverainistes. De même, j’apprécie l’appel à l’inclusion et à l’ouverture à l’ensemble de la Gauche – réaffirmée récemment avec un Plan B à la fête de l’Huma, et ce pour toute l’Europe – malgré une persistance des partis internes au front commun. Certes, plus d’indépendance impliquerait des connivences et compromis « clandestins », cachés au public mais les citoyens pourraient décider vis-à-vis de discours concrets sur des problèmes réels et non sur des choix d’image de telle ou telle famille politique. Weil décrypte parfaitement le fond du problème : celui de l’opinion. Des affinités et jeux d’alliance, il y en aura toujours, cœur de la vie politique. Mais, le Peuple, lui, gagnerait à pouvoir réellement se décider à élire des figures politiques « autonomes » plutôt que des candidats pré-élus lors de primaires, choisis par avance au sein du Parti sans égard pour l’opinion citoyenne. D’une part, cela clarifierait les positionnements de chacun, non tenus de rabâcher toujours les mêmes idées ; d’autre part, les choix populaires seraient alors plus difficiles, sans raccourcis, mais aussi plus pertinents car pluriels. Eclater les partis c’est refuser l’attachement « familial » et diversifier le champ des possibles. Refuser les étiquettes c’est forcer ces politiciens à tenir leurs engagements et à nous avertir de leurs équipes au préalable. Rompre avec des doctrines établies c’est libérer le discours et ceux qui se l’approprient. La politique devrait être l’affaire de tous, permettre le jeu fluctuant des idées et les ponts entre les personnalités ; en fonction de programmes et de problèmes, non d’étiquettes de Parti. On ne change pas le monde en se tournant vers l’histoire de sa famille (politique) mais en façonnant la sienne propre. Faute de supprimer les partis, essayez au moins d’en fonder qui soient en accord avec vos idéaux. Je sais qu’il ne s’agit que d’un problème mineur à l’échelle de l’échec de nos institutions politiques mais c’est une première pierre vers une vision plus ouverte de la politique. Politiciens, politiciennes, libérez-vous de vos carcans et pensez, enfin, par vous-même, c’est ainsi que nous vous redonnerons notre confiance et nos votes. Partager :Tweet Laisser un commentaire Annuler la réponse Votre adresse e-mail ne sera pas publié.CommentaireNom* Email* Site Web Oui, ajoutez moi à votre liste de diffusion. Prévenez-moi de tous les nouveaux commentaires par e-mail. Prévenez-moi de tous les nouveaux articles par email.