Pour cette dernière journée Serge Noukoué et son équipe a proposé deux films puissants tant au point de vue de la mise en scène que par leur propos : « October 1 » de Kunle Afolayan et « Dry » de Stephanie Okereke-Linus.

Le festival vient de s’achever et le public a offert le prix à « Dazzling Mirage » de Tunde Kenali avec Kemi « Lala » Akindoju dans le rôle d’une femme drépanocytaire (voir sur Roads). Ce festival a permis de voir des films passionnants à plus d’un titre, des films qui ne seront pas distribués dans notre pays et vu les spectateurs nombreux qui ont assisté aux séances. Il y a un public pour ce genre de cinéma. Pour cette dernière journée Serge Noukoué et son équipe a proposé deux films puissants tant au point de vue de la mise en scène que par leur propos : « October 1 » de Kunle Afolayan et « Dry » de Stephanie Okereke-Linus. « October 1 » est un film policier, une histoire de tueur en série, dans un petit village, quelques jours avant l’indépendance du pays le 1er octobre 1960. A travers cette histoire policière, Kunle Afolayan parle des problèmes de tribalisme, du rapport à l’éducation, du conflit déjà présent entre les communautés chrétiennes et musulmanes du Nord et du Sud qui aujourd’hui explose dans le pays, du rôle ambigu de la Grande Bretagne face à son ancienne colonie; il y a aussi une terrible métaphore que je laisse aux spectateurs de découvrir, le film étant visible actuellement en VOD. Afolayan fait partie d’une vraie dynastie d’artistes. Il est aussi acteur ; on a pu l’apprécier dans le film primé et son frère joue dans le film d’horreur présenté dans le festival, « Ojuju ». Il y a de la maîtrise dans son récit filmique et dans son discours sous-jacent. L’enquête est menée par un acteur exceptionnel Sadiq Daba qui joue le rôle d’un policier musulman. Kunle Afolayan avait été récompensé à l’occasion du premier festival avec « Phone Swap ». Un film à découvrir.

« Dry » est de la même veine, mais c’est un vrai film militant. Stephanie Okereke-Linus réalise et joue le rôle principal avec conviction. Elle interprète une médecin qui vit au Pays de Galles et qui va être amenée à effectuer une mission dans son pays d’origine. Les souffrances de son enfance face à la misère sur place vont remonter à la surface et elle va s’investir dans une mission plus personnelle. Le film est un vrai pamphlet féministe sur la condition des femmes, contre des traditions tribales et les mariages des jeunes pubères, sur le manque de moyen pour éradiquer ce fléau dont souffre et meurt une bonne partie de la population féminine dans plusieurs pays : la Fistule Vésico Vaginale (FVV). Par son aura et sa force de conviction, Stephanie Okereke-Linus mène une campagne de sensibilisation contre ces habitudes d’accouchements à la maison, et le manque d’hygiène (la scène d’accouchement de la jeune héroïne est d’un réalisme insoutenable). Stéphanie Okereke-Linus sait mettre en scène, émouvoir et intéresser. Encore une fois au remarque que le cinéma nigérian est porteur de messages socio-économiques et joue un rôle fondamental dans l’éducation de la population. Les bénéfices de « Dry » serviront à lever des fonds pour la chirurgie FVV et la réhabilitation des victimes qui sont considérées comme pestiférées et ensorcelées. C’était une première mondiale ce dimanche, mais la réalisatrice n’a pu avoir un visa pour être présente !!!??? Le film après sa sortie, va être projeté dans tout le Nigéria grâce à une salle mobile itinérante. A l’inverse d’ « Octobre 1 », c’est grâce à des initiatives occidentales si l’héroïne, Dr Zara, a pu s’en sortir et faire des études, un joli message de fraternité Nord/Sud.

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Réalisateur, journaliste

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