Une semaine après les révélations de Der Spiegel concernant l’armement nucléaire de sous-marins israéliens, la réaction de Téhéran ne s’est pas fait attendre. Un sous-marin à propulsion nucléaire va être construit par la République islamique d’Iran
L’agence de presse Fars (FNA) et AFP rapporte les propos du vice-commandant de la marine, Abbas Zamini, « Les travaux préliminaires pour fabriquer un sous-marin nucléaire ont débuté et nous espérons voir l’utilisation de (…) sous-marins nucléaires dans la marine à l’avenir ».
Cette avancée technologique serait sans précédent dans la région. La France, la Grande-Bretagne, la Russie et les Etats-Unis sont les seuls pays à posséder et construire des sous-marins nucléaires. Selon Mark Hibbs, expert de la prolifération nucléaire, cette annonce est sans équivoque, « Si l’Iran met en route ce projet, ce ne serait que pour des raisons politiques. L’Iran pourrait très bien se défendre avec des sous-marins utilisant une technologie conventionnelle ». La poursuite de son programme nucléaire et notamment l’enrichissement d’uranium à des fins militaires, sont maintenant justifiés. La qualité de cet uranium permettra selon lui de produire des armes atomiques. On peut aussi imaginer que Moscou fera profiter de son expérience aux chantier navals iranien. Ce qui est déjà le cas à Bushehr, où la collaboration scientifique dans le domaine du nucléaire entre les deux pays n’est plus un secret.
Une annonce stratégique
Une réunion sur le dossier du nucléaire iranien se tient dans moins d’une semaine à Moscou avec l’Iran et les « Six », les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité de l’Onu et l’Allemagne. Cette annonce intervient donc la veille et Téhéran a un nouvel argument pour échapper aux éventuelles sanctions internationales. La corrélation avec les nouvelles menaces militaires de Tel-Aviv peut aussi être une des causes de ce projet ambitieux de construire des submersibles nucléaires.
Les Etats-Unis essayent d’imposer leur voix
Malgré des menaces récurrentes, les déclarations américaines sonnent creux depuis des mois. La secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, a une nouvelle fois déclaré que les puissances mondiales qui se sont engagées contre le programme nucléaire iranien allaient annoncer une « feuille de route très précise » que Téhéran devra suivre pour renoncer à tout développement de son industrie nucléaire. « Il y a une position de compromis présentée par le groupe 5+1 qui donne à l’Iran, s’il est intéressé par une issue diplomatique, une feuille de route très précise, vérifiable et soumise à donnant donnant ». On imagine toujours pas comment les Six vont imposer quoique ce soit à un pays souverain et qui n’a aucun intérêt, si ce n’est perdre sa crédibilité et son influence régionale, à abandonner son programme déjà très avancé.
La chef de la diplomatie américaine a aussi déclaré, « Je suis à peu près certaine qu’ils (les Iraniens) font l’objet d’une pression exceptionnelle de la part des Russes et des Chinois pour qu’ils arrivent à Moscou en étant prêt à donner leur réponse. Cette réponse est-elle adéquate ou non, nous aurons à l’apprécier ». Pourtant, la Chine a maintenu ses importations d’hydrocarbures en dépit des appels internationaux au boycott. De plus, lors du sommet de l’organisation de Coopération de Shanghai (OCS). La Chine et la Russie ont conclu jeudi le sommet annuel en affirmant leur opposition à l’usage de la force contre l’Iran et la Syrie.
Les « Six » trop optimistes ?
L’Iran fait partie des pays ayant le rang d’observateurs à l’OCS et le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, qui se trouvait jeudi à Pékin, s’est entretenu en fin de journée avec le président russe Vladimir Poutine. « Nous avons toujours soutenu le droit du peuple iranien aux technologies modernes, parmi lesquelles l’usage pacifique de l’énergie atomique. Mais je veux insister sur le fait que nous parlons bien d’utilisation pacifique. Vous connaissez notre position », a déclaré M. Poutine à son homologue iranien.
« La façon dont évolue la situation dans la région et dans le monde exige une coopération plus vaste et plus marquée entre l’Iran et la Russie. En d’autres mots, l’Iran et la Russie sont désormais du même côté de la barricade », a estimé de son côté le président iranien.
Les positions annoncées par Hillary Clinton ne sont pas tout à fait celles de Moscou et Pékin. Un tandem qui s’affirme de plus en plus sur l’échiquier international de la diplomatie, ancien jardin des Etats-Unis qui perdent quant à eux de plus en plus de crédit sur le dossier iranien. Car il est hypocrite de parler « d’usage pacifique » du nucléaire par l’Iran étant donné les déclarations récurrentes de Mahmoud Ahmadinejad. La république Islamique veut se libérer de la pression atomique exercée à l’ouest par Israël et à l’est par le Pakistan.
L’Union Européenne essaye maintenant de calmer le jeu, il y a quelques mois Alain Juppé menaçait l’Iran de « sanctions d’une ampleur sans précédent« . Aujourd’hui, selon un communiqué du Conseil suprême de sécurité nationale (CSSN) iranien qui gère le dossier nucléaire, Mme Ashton a indiqué à M. Jalili que les grandes puissances étaient « prêtes à discuter de la proposition en cinq points de la République islamique faite à Bagdad sur les questions nucléaires et non nucléaires ». Un changement de ton qui n’est surement pas anodin à la crise durable qui s’installe en Europe.
Par Arthur Beaufils