Né le 29 mars 1952 en Jamaïque, il a grandi à Las Tunas à Cuba. Il s’est éteint à 60 ans, victime d’une crise cardiaque le 11 juin dernier. Roads Magazine tient à rendre hommage à un des plus grands sportifs du XXie siècle dont la mort est passée quasiment inaperçue
Teófilo Stevenson est sans aucuns doutes le plus grand champion de la boxe moderne. Il comptabilise 301 victoires en 324 combats en catégorie poids-lourds et super-lourds, un palmarès incroyable. Il fut triple champion du monde amateur et trois fois champion olympique, à Munich en 1972, à Montréal quatre ans plus tard et enfin à Moscou en 1980. Il aurait surement gagné un quatrième titre si Cuba n‘avait pas boycotté les Jeux de Los Angeles en 1984.
Un Empereur du ring
Stevenson était un boxeur étincelant qui, à l’instar de Cassius Clay (Mohamed Ali), combinait l’agilité et la vélocité d’un poids léger avec la puissance d’un poids lourd. Il règne sur les rings Olympiques et amateurs pendant une décennie avant de prendre sa retraite en 1988.
Lors de la demi-finale de Munich, il foudroya le boxeur allemand Peter Hussing qui déclara n’avoir « jamais été frappé aussi fort de sa vie ». George Foreman ne tarissait pas d’éloges sur le Cubain, « Stevenson est un des meilleurs [boxeur] que j’ai vu. Je n’ai pas vu autant d’élégance et de talent depuis longtemps chez les pros ou les amateurs. Stevenson pourrait être champion du monde s’il le voulait. Et peu importe contre qui. ».
Stevenson, l’anti Mohamed Ali
Après sa victoire à Montréal, on offrit à Stevenson un pont d’or de 5 millions de dollars, une fortune à l’époque, pour passer pro aux Etats-Unis et combattre Mohamed Ali. Il refuse catégoriquement.
Si ce dernier est connu pour son style unique, ses combats épiques contre Sonny Liston et George Foreman ou encore son engagement politique auprès de Malcolm X, il est aussi réputé pour sa maitrise de la provocation et sa fin sans gloire. Il méprise ses adversaires. Mohamed Ali provoque sans arrêt Joe Frazier avant leurs combats, souvent à la limite de l’insulte publique. Après 1975, Ali n’est plus le même athlète, ses derniers combats en 80-81 sont d’ailleurs très critiqués par les experts et les fans de boxe. Un an plus tard, Mohamed Ali qui a trop tiré sur son organisme, est atteint de la maladie de Parkinson. Triste fin pour un tel champion.
Stevenson, le boxeur humble, arrête sa carrière à son apogée. Après un dernier titre de champion du monde amateur à Reno en 1986, agé de 36 ans pour les jeux Olympiques de 1988, il décide de ne pas y participer et tire sa révérence. Digne du grand champion qu’il est. Malgré les nombreuses offres américaines, il n’a jamais voulu quitter son île et renier l’idéal socialiste cubain. Le gouvernement lui offrit une maison pour récompenser sa glorieuse carrière et le rayonnement offert à Cuba. Il y vit modestement avec sa famille et consacre sa vie à l’entrainement des boxeurs cubains. Il entraina Felix Savòn, qui fut à son tour triple champion Olympique. Seuls trois boxeurs ont réussi cet exploit.
Un gardien de la Révolution, amoureux de son peuple
Teófilo Stevenson était très lucide sur la boxe professionnelle, « le monde de la boxe professionnelle est inhumain. Derrière le sport se cache d’autres intérêts, financiers, matérialistes.». Les autorités cubaines considéraient que la boxe professionnelle était une sorte de jeux du cirque, où des noirs se battent devant un public de blancs pour de l’argent, avec une sacralisation de la violence gratuite (voir le combat entre Frazier et Ali le 1ier février 1975 à Manille).
La presse américaine avait titré « Il préfère être un rouge qu’un riche ». Dans un pays où le capitalisme, même aux Jeux Olympiques, est une religion, certains idéaux ne peuvent effectivement pas être compris.
À Cuba, il était considéré par le peuple comme la plus grande gloire du sport national, tous louaient la modestie et la loyauté à la Révolution Cubaine du champion.
« Je dois être reconnaissant envers mon peuple, ce qu’il a fait pour le sport, l’éducation. Pour toute une série de choses. C’est un peuple qui a une conscience politique. Je ne l’échangerais jamais contre tous les dollars du monde » a t’il déclaré il y a quelques années lors d’un reportage.
Un patriote, fier et amoureux de sa nation, des mots qui dans notre République sont quasiment considérés comme des insultes extrémistes. Un vrai socialiste, pour qui les valeurs de ce concept politique n’étaient pas justes des mots vides de sens. Requiescat in pace.