« Un château en Italie », un film de Valeria Bruni Tedeschi avec Louis Garrel et Fillipo Timi. Actuellement au cinéma. Critique.
Dans son dernier film, « Un château en Italie », sélection officielle du festival de Cannes 2013, Valeria Bruni Tedeschi, aînée de Carla Bruni-Sarkozy, transforme son histoire personnelle en une tragi-comédie gracieuse et décadente. L’actrice et réalisatrice y met en scène sa famille et son ancien fiancé, Louis Garrel, filmé avec humour et dérision sous les coups d’une bande originale terriblement solaire.
Des pans de vie qui se s’entremêlent
Louise (Valeria Bruni Tedeschi), femme belle et mûre, légèrement abîmée par le temps, rencontre Nathan (Louis Garrel), jeune loup blasé par son métier d’acteur. Ensemble, ils se construisent un quotidien mort-né : les boucles brunes de Nathan ne cherchent qu’à «s’amuser », tandis que le visage creusé de Louise rêve d’avoir des enfants et de construire une vie avec celui qu’elle aime. L’aura de son histoire familiale pèse sur les épaules de la quadragénaire, murée dans la tristesse par la maladie de son frère, atteint du sida, mais fière de cette grandeur, de cette nonchalance incarnée par un passé glorieux. C’est là toute la force du film : la réalisatrice parvient à montrer à quel point des pans de vie différents peuvent se fondre dans une même existence, celle d’une femme amoureuse d’un homme de vingt ans son cadet, qui ne souhaite qu’une chose « laisser de la place à la vie dans sa vie », mais qui ne peut se défaire du château de son enfance, immortel. Comme la réalisatrice le dévoile : « Louise a l’impression qu’elle va devoir survivre (…). Pour elle, avoir un enfant, c’est une façon de survivre, de ne pas se laisser engloutir par la douleur, la solitude, la souffrance et la mort. (…) Avoir un enfant est pour Louise la preuve que la vie peut encore, malgré tout, être gaie. »
Une autofiction nombriliste ?
Des petites voix pernicieuses reprocheraient à Valeria Bruni Tedeschi de s’être trop largement inspirée de sa vie personnelle pour mettre en scène le reflet de sa propre existence, un brin nombriliste. « Familles, je vous hais ! Foyers clos; portes refermées; possession jalouse du bonheur », écrivait pourtant André Gide dans les « Nourritures terrestres », preuve qu’il n’est pas nécessaire d’être né dans une riche lignée italienne pour être torturé par la genèse de ses proches. La réalisatrice, qui a choisi d’intégrer au film sa propre mère, Marisa Borini, parvient à faire oublier le caractère réel du lien qui unit les deux femmes et plonge le spectateur dans les coulisses d’un theatre familial virtuose et burlesque : « Lorsque la réalité n’est pas assez forte ou pas assez spectaculaire, on la pousse un peu, on y applique une licence poétique qui la transforme, l’extrapole et la fait glisser vers le tragique, le comique, le grotesque, ou le romanesque. La réalité que je connais où que j’observe est le matériel de départ. ».
Filippo Timi (Ludovic dans le film) est formidable en frère violent, égocentrique et aimant, inscrivant les rapports familiaux sous le signe de la passion. Enfin, pour ceux qui n’auraient pas mesuré la place occupée par les saisons, elles fuient aussi vite que les plans du film, éphémères séquences de cinéma : « Les saisons étaient essentielles parce qu’elles racontaient deux choses: le temps de la maladie, (…) son évolution, et l’évolution de l’histoire d’amour, le temps de l’amour. Je ne voulais pas tricher avec les saisons ». Comme avec la vie.