Condamnation d’un rappeur en Tunisie: l’étau se resserre sur la liberté d’expression

Manon Leroy 14/06/2013 1
Le rappeur tunisien de 25 ans Alaa Yaâcoub, connu sous le nom «Weld El 15», a été condamné hier à deux ans de prison ferme pour avoir insulté la police dans une chanson. Un jugement sévère qui reflète l’étau qui se resserre sur la liberté d’expression en Tunisie.

Un sens de la justice en lambeaux

Le jugement a déclenché des heurts au tribunal de Ben Arous, une banlieue de Tunis. Les artistes et amis du rappeur ont été évacués et tabassés par la police lorsqu’ils se sont mis à crier dans la salle d’audience. Qui plus est, du gaz irritant a été répandu autour du tribunal, «la faute aux amis du rappeur», d’après la police.

Un verdict particulièrement saisissant, étant donné qu’il n’existe officiellement aucun texte de loi permettant de condamner un travail artistique dans le pays et que le rappeur s’était livré de son propre gré à la justice.

Ce qui lui vaut une accusation de «complot pour commettre des violences contre des fonctionnaires» et «outrage à la police», c’est la diffusion sur YouTube de son clip, ci-dessus, «Boulicia Kleb» («Les flics sont des chiens»), qui a dépassé le million de vues. Mis en ligne le 3 mars, le rappeur y exprime sa rage pour les autorités, après avoir passé neuf mois en prison pour un joint. Il en récoltera d’ailleurs des menaces de mort de la part de la police sur sa page facebook. Une simple vidéo qui a fait de lui le porte-parole de la jeunesse tunisienne, qui a perdu de vue les promesses révolutionnaires, et voit s’imposer à la place une lourde déperdition de sa liberté.

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Le rappeur Alaa Yaâcoub, dit «Weld El 15»

Le rap, ennemi des politiciens

Weld El 15 n’est pas le seul: les rappeurs Madou et Emino, Phenix et Klay Bbj font partie de ce groupe qui n’hésite pas à passer derrière les barreaux pour ses textes revendicateurs. En avril, la mère de ce dernier a été menacée dans la rue par deux policiers en civil : «Votre fils devrait être prudent.» Menace à laquelle elle aurait répondu: «Vous voulez dire qu’il devrait arrêter le rap ?» Ce à quoi ils ont rétorqué : «Non, il peut toujours chanter mais qu’il cesse de se mêler de politique.» Autrement dit, la liberté d’expression se limite aux textes à l’eau de rose si vous ne voulez pas avoir de problème.

L’avocat de Weld El 15 a avoué s’inquiéter pour l’intégrité physique de son client en prison, avant d’ajouter: «Jamais, même pendant l’ère Ben Ali, on a vécu ça. C’est vraiment une honte pour tout un peuple. Mais en tout cas nous restons debout et nous allons continuer le combat, le combat pour la liberté d’expression et pour toutes les libertés publiques».

Liberté d’expression: l’étau se resserre

Les jugements particulièrement sévères à l’encontre de la liberté d’expression s’accumulent ces derniers temps, devant les yeux d’une jeunesse tunisienne qui se voit privée toujours un peu plus de ses droits.

Il y a à peine deux jours, trois membres du groupe féministe Femen ont été condamnées à quatre mois et un jour de prison ferme pour avoir mené une action seins nus en soutien à leur camarade tunisienne Amina, elle-même arrêtée le 19 mai pour avoir protesté contre un rassemblement salafiste à Kairouan.

Sous oublier Ghazi Beji et Jabeur Mejri, ces deux jeunes athées qui ont été condamnés le 25 mars 2012 à sept ans et demi de prison ferme pour avoir publié sur leur page facebook des caricatures du prophète Mahomet. Jabeur Mejri a eu toutefois la chance de bénéficier de l’asile politique avec tous ses droits le 12 juin, pour une durée de 10 ans par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).

Sami Fehri, patron d’ Ettounsiya, la chaîne de télévision privée la plus populaire du pays regardée du pays, a quant à lui été placé en détention provisoire en août 2012, à cause de sa très populaire émission satirique de Guignols qui s’en prenait aux dirigeants islamistes.

Une arrestation qui peut passer pour un simple fait divers, mais qui devrait en réalité éveiller les consciences sur l’éffritement des droits fondamentaux des Tunisiens.

One comment on “Condamnation d’un rappeur en Tunisie: l’étau se resserre sur la liberté d’expression

  1. Boubèke on said:

    Donc pour vous, insulter la police dans une chanson en public c’est la liberté d’expression ? C’est pour ça que la France est devenu un ramassis d’ordure en proie à la violence aujourd’hui… Bravo la Tunisie, et surtout ne devenez pas la pomme pourrie qu’est la France.

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