Critique: « Quai d’Orsay », tragiquement drôle

Stéphane Loison 31/10/2013 0
« Quai D’Orsay », un film de Bertrand Tavernier, avec Thierry Lhermitte, Raphaël Personnaz, Niels Arestrup et Bruno Raffaëlli. Sortie le 6 novembre. Critique.

photo quai dorsay quaidorsay photo11 1024x681 Critique: Quai dOrsay, tragiquement drôle

« Légitimité, tac tac tac lucidité tac tac tac, efficacité tac tac tac ! » assène tout au long du film le ministre des affaires étrangères Alexandre Taillard de Worms, alias Dominique de Villepin, alias Thierry Lhermitte. Face à lui une cohorte de conseillers qui se détestent, se jalousent, prêts à toutes les bassesses, tous bien sûr sortis de l’ENA ; Parmi eux Arthur Vlaminck alias Raphaël Personnaz un puceau en politique et des coups bas des cabinets ministériels. Il doit apporter du sang neuf à ces sclérosés du cerveau pour les discours du ministre, il doit s’occuper du langage ???!!!! Sur tout ce monde d’agités, Claude Maurepas alias Niels Arestrup le directeur de cabinet essaye que ce grand machin qu’est un ministère arrive à être efficace malgré le tempétueux ministre qui cite Héraclite à tout bout de champ et qui pète les plombs si son stabilo jaune peluche!

« Quai d’Orsay » est l’adaptation d’une bande dessinée écrite par un ancien conseiller de Villepin. Dans le film c’est à la serpe comme dans la BD que Tavernier dépeint tous ces personnages et toutes les situations qu’on peut rencontrer dans un ministère de cette importance. Est-on dans la caricature ? Pas sûr. Ce film montre la gabegie d’énergie, de temps, de personnel et surtout de fric que coûte un ministère ; On rit beaucoup mais on est comme dans les comédies italiennes à deux pas du tragique. On est aux antipodes du film, « L’Exercice de l’Etat ». On y trouvait les mêmes travers, mais traités d’une manière plus sombre. « Quai d’Orsay » tout en nous amusant nous montre cette face cachée qui coûte une fortune aux contribuables et qui ne donne pas une belle image des hommes qui nous gouvernent.

Bon, ce n’est quand même pas un film à message, bien que chez Tavernier, il y en a toujours un qui se glisse au second degré. C’est la première comédie de ce réalisateur et ne boudons pas notre plaisir à voir ces acteurs, tous plus brillants les uns que les autres, nous faire rire. Thierry Lhermitte a enfin un rôle à la hauteur de son talent, il est inénarrable en Villepin, sans le singer. Niels Arestrup est égal à lui-même, c’est à dire excellent et Raphaël Personnaz le petit qui monte qui monte et que Tavernier nous avait fait découvrir dans son précédent film est tout à fait remarquable. Mais il faudrait tous les citer tant ils sont parfaits dans leur rôle. Il y avait longtemps que le cinéma français nous avait offert de vrais rôles secondaires avec de vraies scènes à jouer.

Une fois de plus Tavernier nous prouve qu’il existe un vivier de très bons comédiens en France. Une mention spéciale pour Bruno Raffaëlli à qui on a écrit un rôle à sa mesure : énorme ! Malgré quelques longueurs et un manque de trame scénaristique ce film est un beau travail de direction d’acteur. Le seul grand problème est la musique de Sarde. C’est le musicien-ami de Tavernier et cela doit lui être difficile de le remplacer. Mais pour cette comédie, Sarde n’est pas dans le ton ou plutôt son arrangeur… De plus sa musique mixée au-dessus des voix est souvent insupportable et nuit aux scènes plus qu’elle ne les sert. On change bien les acteurs pourquoi ne pas le faire selon les sujets avec la musique ou même avec la photo ?

Réagir à cet article »