Se négociant à plus de $110 le baril aujourd’hui, le pétrole a connu une histoire mouvementée faite de guerres et de crises géopolitiques. Roads revient sur l’épopée pétrolière internationale qui propulsa et érigea les Etats-Unis au rang de première puissance mondiale. En 1859 en Pensylvannie des milliers de personnes se ruent à la recherche de l’or noir. A cette époque, le baril se négocie autour des 1$ et paradoxalement, le pétrole ne fait pas la fortune de ceux qui l’exploite mais plutôt de ceux qui le transportent et le vendent, comme par exemple un jeune comptable de l’Ohio, Rockefeller. Ce qui le différencia des autres négociants et fera sa fortune sera l’idée d’imposer la fabrication d’un pétrole unique qui sera partout le même, le pétrole standard était né et allait désormais être utilisé dans toutes les lampes à pétrole. Petit à petit, l’homme d’affaire rachète les terres de petits fermiers ayant découvert des gisements et ne sachant trop comment les exploiter. A partir de là, sa compagnie, la Standard Petrol prit donc logiquement le monopole et impose alors le prix du brut. En 1900, la compagnie pétrolière contrôle près de 90 % du pétrole lampant aux Etats-Unis. L’arrivée à la même période de l’électricité met en danger l’avenir de l’utilisation de l’or noir jusqu’en 1907 et l’automobile d’Henry Ford. Le pétrole, désormais raffiné en essence destiné aux moteurs, contribuera énormément au développement des moyens de transport modernes motorisés et de l’agriculture intensive. Or, quelques années plus tard en 1911, le congrès américain vota une loi « anti trust » destinée à contrarier le monopole de la Standard Oil. Bien sûr, Rockefeller trouva une solution et divisa son entreprise en plusieurs branches locales d’états qui lui permettent de garder le contrôle sur le marché du pétrole aux Etats-Unis en même temps qu’il partait à la conquête du monde - hors Amérique du Nord. A la même époque en Europe et en Russie, deux hommes d’affaires s’associent et fondent la Royal Dutch Shell. Vers le capitalisme mondial La Grande Bretagne, ne disposant à l’époque pas de pétrole et voyant ses concurrents prendre de l’avance sur elle dans la course à l’indépendance énergétique, se révéla visionnaire. Le Royaume-Uni dispose au sein de son empire d’une partie du Moyen-Orient. Dès 1901, un négociant britannique du nom de William Knox Darcy, rachète au Shah d’Iran une concession de 60 ans lui donnant le droit de prospecter et d’exploiter du pétrole dans la quasi-totalité du pays. Fort de ses ressources nouvelles, Winston Churchill dote en 1911 la marine britannique de chaudières à mazout et permet à la Royal Navy de devenir plus rapide que ses concurrentes. Ainsi, la Grande Bretagne choisira d’investir énormément dans L’Anglo Persian – grande compagnie pétrolière – qui sera à l’origine des premiers pipelines traversant le Moyen Orient jusqu’au port d’Abadan dans le Golfe Persique. L’Irak est à l’époque simple province de l’Empire Ottoman. Pour les pays occidentaux ayant déjà adoptés une démarche capitaliste, c’est un vaste territoire encore inexploité, potentiellement très riche en or noir. Pour contrer l’hégémonie des compagnies américaines qui tentaient de s’installer, le Kaiser Allemand ordonnera par exemple, la construction d’une ligne de chemin de fer reliant Berlin à Bagdad et obtient ainsi le droit d’exploiter tout gisement qui se trouvait à proximité de la voie ferrée. L’éviction des compagnies Etats-Uniennes de la région se fera grâce à un géologue Arménien du nom de Calouste Gulbenkian mandaté par le Royaume-Uni et proche de l’Empire Ottoman. Il participe à la constitution de la Turkish Petroleum. En 1914, l’entrée en guerre de l’Allemagne gèle l’exploitation du pétrole irakien. Les progrès technologiques avançant rapidement en cette période de conflits, le contrôle du « brut» devient un enjeu majeur et précipite l’entrée en guerre des Etats-Unis (via le torpillage du paquebot Le Lusitania). En France comme en Allemagne, le pétrole à cette période est fourni par Rockefeller jusqu’en 1917. La guerre qui fit entrée le pétrole dans une nouvelle ère La première guerre mondiale fait passer la production mondiale journalière de 100 000 barils à 300 000 barils. En 1918 au terme de l’accord secret Sykes-Picot, l’Angleterre récupère toute une partie du Moyen-Orient comprenant la Mésopotamie (une grande partie de l’Irak d’aujourd’hui). La France obtient le Liban et la Syrie du nord. A l’issue d’accords entre les deux alliés, la France reçoit en plus près de 23% des parts de la Turkish Petroleum. Héritant de l’Irak, l’Angleterre installe au pouvoir en 1920 le roi Fayçal qui leur accorde le droit d’exploiter le pétrole Irakien jusqu’à l’an 2000. En 1927, Rockefeller et sa compagnie négocient avec Gulbenkian l’exploitation du pétrole en Irak grâce à un accord véreux multiétatique. A la fin des années 1920, le monde fait face à une surproduction d’hydrocarbures provoquée notamment par la Russie, qui inonde l’occident d’or noir bon marché. A cette même époque naît un véritable « cartel de pétroliers » regroupant les trois plus importantes compagnies pétrolières mondiales qui se s’entendent pour fixer les prix du brut et ce, jusque dans les années 1960. Le pétrole est devenu tellement essentiel et lucratif à cette époque que les conséquences de la crise de 1929 n’affectent même pas les géants pétroliers. Un conflit source de profits L’Allemagne a été privée de ses approvisionnements en pétrole à la fin de la première guerre mondiale. Elle ne pouvait plus se fournir qu’en Roumanie et l’URSS – via des accords secrets passés avec le régime soviétique à partir de 1922. Les besoins croissants en carburants du régime nazi pousse Adolf Hitler à développer la production de pétrole synthétique à partir de charbon. En 1936, la guerre déjà l’Europe. Plusieurs grandes compagnies pétrolières américaines et Shell collaborent – via la vente d’éthyles notamment - avec le gouvernement allemand et permettent aux nazis d’entrer en guerre. Comme lors du premier conflit armé multiétatique d’importance planétaire, les Etats-Unis s’engage dans le conflit en 1941, encore une fois pour des motifs économico-pétroliers. L’attaque de Pearl Harbor était motivée par l’embargo américain sur les importations de brut au Japon. La déroute allemande contre les soviétiques a été causée en grande partie par la pénurie de pétrole et plus tard, les alliés ont su en profiter pour achever le Reich. L’Arabie Saoudite, acteur majeur de l’après guerre En 1945, à peine la guerre finie, Roosevelt rencontre le monarque saoudien, le roi Fahd, aux abords du Canal de Suez pour établir un partenariat pétrolier arabo-américain. L’Amérique, en plein développement à cette époque, base son économie presque entièrement sur l’abondance d’or noir et de ce fait, passe des accords avec deux autres pays qui sont le Venezuela et l’Iran. De l’autre côté de l’Atlantique, l’URSS souhaite aussi sécuriser ses ressources en pétrole et créée donc l’Azerbaïdjan. Ce petit pays au nord de l’Irak provoquera le premier conflit de la guerre froide. Le conseil de sécurité de l’ONU sera d’ailleurs réuni pour la première fois à cette occasion, face à la menace nucléaire brandit par Truman et Staline cédera. Les pays producteurs se révoltent Au Venezuela, en 1948, d’importants mouvements sociaux pousseront les pétroliers à accepter de reverser aux pays exploités 50% de leurs bénéfices. Sous l’impulsion du ministre vénézuélien du pétrole Perez Afonso, les pays arabes obtiendront les mêmes conditions de partage des bénéfices avec les géants pétroliers dès 1950. Cette mesure à caractère « équitable » est en fait un habile montage fiscal puisque les sommes que les compagnies exploitantes reversent aux pays producteurs sont en fait déductibles d’impôts aux Etats-Unis. Conscients de cette situation, l’Iran réclame le même traitement financier que les saoudiens. L’Anglo Iranian refuse et la situation dégénére jusqu’à aboutir à la création d’un gouvernement de front national – dirigé par Mohamed Mossadegh – dans le but de nationaliser les puits de pétrole. Voyant cette situation d’un mauvais œil, les Etats-Unis assureront au Shah d’Iran un soutien économique et militaire s’il parvenait à stopper et faire taire Mossadegh et ses partisans. Grâce à l’intervention de l’armée, le souverain iranien repris le contrôle de son pays et fit adopter un consortium à vocation très diplomatico-mercantile et, bien sûr, avantageux pour les compagnies américaines. La création de l’OPEP En 1950, l’URSS inonde le marché de pétrole à prix cassé. Les sept grandes compagnies pétrolières décident en réponse de baisser de 18 cents le prix du baril. Cette décision aura pour effet direct de faire diminuer de plus de 10 % les revenus des pays producteurs. En 1960, l’OPEP sera créée par les pays producteurs et exportateurs dans le but de d’obtenir plus de pouvoir face aux grands groupes pétroliers. Jusqu’en 1970 l’OPEP n’eut guère d’influence. Il faudra attendre 1972 et la nationalisation des puits irakiens par Sadam Hussein pour que l’organisation commence à peser face aux grandes compagnies pétrolières occidentales et par conséquent, à devenir influente. L’occident est choqué Le 6 Octobre 1973, l’Égypte et la Syrie – avec l’aide de conseillers militaires soviétiques – attaquent par surprise Israël. L’implication américaine dans ce conflit pousse les pays membres de l’OPEP à imposer un embargo sur toutes les livraisons de pétrole à destination de l’occident. À cette époque les Etats-Unis atteigne quant à eux leur pic de production et des pénuries de produits pétroliers commence à se manifester. A partir de ce moment, la production américaine ne fit que diminuer. Le prix du pétrole devait donc logiquement augmenter : il tripla pour passer d’environ 3$ par baril en octobre 1973 à presque 12$ deux mois plus tard. La chute du Shah Grâce à l’or noir, l’Iran est devenu dans les années 1970 une puissance militaire relativement importante dans la région du Moyen-Orient. Le Shah Mohamed Reza voit en ce nouveau pouvoir une opportunité d’étendre ses ressources en pétrole et projette d’envahir certains Etats frontaliers. En Iran, une partie de la population se soulève contre le régime monarchique en place et le renverse en 1979. En 1980, l’Armée Rouge pénètrent en Afghanistan. En réponse, Jimmy Carter impose un embargo sur le matériel militaire et le blé importés par l’URSS. Dans le même temps, la guerre Iran/Irak ne fait qu’électriser le cours du pétrole un peu plus. Dans ce climat de tension extrême, un second choc pétrolier se produit sur trois ans (78-81) et le prix du brut se trouva multiplié par 2,7. Ronald Reagan : l’homme qui a tué l’URSS Au début des années 1980, l’Union Soviétique a pour projet de construire un gazoduc qui relie l’URSS à l’Europe. Il devait être cofinancé par la France et l’Allemagne. François Mitterrand étudie ce projet très sérieusement mais le refus de l’Allemagne le suspend. Roger Robinson, un banquier américain, étudie très attentivement la situation économique soviétique. Il remarque que le volume des exportations russes est faible, l’économie russe pourrait être aisément perturbée. Il proposa donc à l’administration Reagan de prendre des mesures pour geler les lignes de crédit soviétiques et pour aboutir à une baisse du prix du pétrole, qui entrainerait l’effondrement économique du bloc soviétique. Avec l’aide de l’Arabie Saoudite, qui augmenta sa production et ses réserves fictives, les américains inondèrent le marché et font chuté le cours du brut. Le rouble perd près de deux tiers de sa valeur et l’Union Soviétique, asphyxiée, implose économiquement. Le temps des barils fictifs En accélérant le futur effondrement de l’URSS, cette politique d’augmentation fictive des réserves de pétrole provoque une réaction en chaine parmi les pays de l’OPEAP qui, un à un, augmentent tous leurs réserves. L’invasion du Koweït par Sadaam Hussein provoque la première Guerre de Golfe en 1991. Après avoir pourtant été le bras armé du moyen orient contre le monstre iranien, l’Irak se retrouva donc en guerre contre ses anciens alliés américains et l’OTAN, soucieux de protégés leurs réserves koweitiennes. La deuxième guerre du Golfe, en 2003 est lièe aux enjeux qui sont inhérents au pétrole. Ce conflit, allié à d’autres facteurs, la raréfaction du pétrole, son importance stratégique et la diminution des réserves ont fait grimper les prix du baril, de 20 $ en 2002, il est déjà à plus de 75 $ en 2006 Un période trouble En 2008, une crise sans pécedent financière frappe les d’abord l’économie américaine avant de se propager à l’échelle mondiale. Le baril franchit la barre symbolique, et 10 ans avant inimaginable, des 100 $ avec un pic à 145 $ qui fit trembler les marchés boursiers. Aujourd’hui, avec les 10% des réserves irakiennes qui sont sous-exploitées - avec un monopole américain - les 2% libyens qui sont « gelés » pour le moment, c’est 12% des réserves mondiales qui sont quasiment sorties des marchés. De plus, les relations extrêmement tendues entre les Etats-Unis et l’Europe avec l’Iran et les menaces d’embargo pétrolier entraine une hausse des cours. L’Iran détient 9% des ressources planétaires. Toujours sur un plan géopolitique, le Venezuela pourrait devenir le pays le plus riche en or noir, loin devant l’Arabie Saoudite, la politique d’Hugo Chavéz lui vaut aussi d’être soumis à des pressions économiques limitant ses exportations. Les besoins grandissants des pays émergeants augmentent la demande en hydrocarbures. Tous ses facteurs sont la cause directe de la flambée irrémédiable du pétrole sur les marchés financiers. La guerre de façade contre le terrorisme a menée une Amérique complètement dépendante au pétrole à s’embourber dans une série de conflits ostentatoirement onéreux au Moyen-Orient. Les ressources en or noir se raréfient et, à l’image du pic pétrolier américain des années 1970 évoqué précédemment, ou le tarissement des gisements du Sultanat d’Oman. la production mondiale en pétrole a atteint ses limites. L’humanité est donc à un tournant décisif de son histoire qui verrait bien l’hégémonie des compagnies pétrolières sur le monde s’effondrer. La révolution énergétique viendra peut-être d’où on ne l’attend pas. Aujourd’hui le baril de brut atteint les 120 $ et l’essence n’a jamais été aussi chère. L’économie globale fait face à une situation jusqu’à présent inconnue, et cette hausse des prix est une des causes de la récession actuelle. Par Raffael Enault Partager :Tweet Une réponse clemence 28/04/2012 La guerre pour le pétrole détruit l’Occident Les décisions des autorités de l’Argentine et la Hongrie, de renforcer leur souveraineté nationale a une incidence négative sur la domination absolue de l’Occident. http://zebuzzeo.blogspot.fr/2012/04/la-guerre-pour-le-petrole-detruit.html Répondre Laisser un commentaire Annuler la réponse Votre adresse e-mail ne sera pas publié.CommentaireNom* Email* Site Web Oui, ajoutez moi à votre liste de diffusion. Prévenez-moi de tous les nouveaux commentaires par e-mail. Prévenez-moi de tous les nouveaux articles par email.
clemence 28/04/2012 La guerre pour le pétrole détruit l’Occident Les décisions des autorités de l’Argentine et la Hongrie, de renforcer leur souveraineté nationale a une incidence négative sur la domination absolue de l’Occident. http://zebuzzeo.blogspot.fr/2012/04/la-guerre-pour-le-petrole-detruit.html Répondre