« Le tennis féminin, c’est deux sets pourris qui durent une demi-heure ». Cette maxime attribuée à Pat Cash, ancien joueur australien au bandeau damiers, fait écho au passage à vide prolongé de la discipline. Moins populaire, moins spectaculaire, moins saisissant que son pendant masculin, il n’enthousiasme plus les foules. La débâcle des Françaises à Roland-Garros la semaine dernière a fini d’enfoncer un sport qui se cherche depuis la fin des trois glorieuses Pierce, Henin et Mauresmo.
Le tennis féminin français est-il à la ramasse ? Depuis la retraite d’Amélie Mauresmo en 2009, seule tricolore à avoir squatté la place de numéro 1, les françaises peinent à dépasser le seuil du top 10 mondial. La semaine dernière, les éliminations de Marion Bartoli, Alizé Cornet et Virginie Razzano avant les huitièmes de finale de Roland-Garros ont sonné le glas des prétentions françaises porte d’Auteuil.
Il y a huit ans, la France disputait sa troisième finale de Fed Cup d’affilée sur le central de Roland-Garros et en 2007, huit joueuses brillaient dans le top 100 ATP. Aujourd’hui, elles ne sont plus que cinq. En comparaison, dix tennismen français figurent dans les 100 premiers de la hiérarchie mondiale, cinq dans le top 30 et deux dans le top 10. À l’audimat, les garçons font aussi beaucoup mieux que leurs consoeurs. Les organisateurs de l’Open d’Australie ont même dû se résoudre à baisser le prix des places pour les matchs féminins. Un ancien directeur du tournoi se souvient sur le site du quotidien australien The Age, que « La BBC s’était plainte du trop grand nombre de sièges vides ».
Un problème d’hormones
Sous-estimées par le public, mais aussi par leurs pairs. Il y a un an, Gilles Simon avait tiré à bout portant sur ses collègues à jupette en remettant en cause l’égalité des primes entre les hommes et les femmes. En janvier dernier, Jo-Wilfried Tsonga persiste et signe. Il doute de la capacité des femmes à contrôler leurs émotions sur le court. Des voix s’élèvent, mais la discipline continue de s’enfoncer.
Première à la barre des accusés: la formation des joueuses. Détection négligée, réduction du nombre de pôles espoirs filles, la Fédération a longtemps été trop « élitiste » pour Patrice Hagelauer, ancien directeur technique national. La Fédération de tennis considère même l’ère Hagelauer comme celle du renouveau du tennis féminin. Une tendance qui devrait se concrétiser avec « l’arrivée prochaine de d’Arnaud Di Pasquale comme DTN », avait annoncé Alexandra Fusai, responsable du tennis féminin de haut niveau à la Fédération française de tennis.
« Il n’y a plus de joueuse de légende »
Un optimisme partagé par Camille Pin, ancienne numéro 61 mondiale. Lors de l’entretien qu’elle nous a accordé, elle a déclaré attendre avec impatience l’arrivée d’une « nouvelle joueuse de tennis de légende » qui pourra bouleverser la donne. Même si tant que certains croiront que les hormones des femmes dominent leur jeu, les joueuses n’ont pas fini de courir après la reconnaissance qui leur fait tant défaut.
R. M. : Pourquoi tout le monde dit que le tennis féminin est au fond du gouffre?
C.P. : La discipline n’a pas de problème en soit. Les 200 premières joueuses du monde ont un très bon niveau. Il est même supérieur à ce que l’on a déjà connu. Et paradoxalement, celles qui occupent les premières places du classement sont un peu moins bonnes par rapport à l’époque d’Amélie Mauresmo ou Justine Hénin. Certaines joueuses actuelles sont très bien classées, alors qu’avant, elles n’auraient peut-être pas eu l’honneur d’être dans le top 15. Une Radwanska Agnieszka, même avec le niveau de jeu incroyable qu’elle a, aurait eu du mal à être deuxième mondiale il y a quelques années.
Comment expliquer cette baisse de niveau au sommet de la hiérarchie mondiale ?
Le jeu des filles est devenu trop stéréotypé. Il n’y a plus de grosses confrontations. À partir du moment où les filles de l’Est sont arrivées, le jeu s’est aseptisé, est devenu très puissant, très physique. Mais c’est toujours le même type de jeu, avec des gros revers. Il n’y a plus d’originalité. Mais on n’est pas à l’abri d’en voir une sortir du lot et de renverser la donne. Il ne faut pas dire qu’il n’y a plus de niveau, c’est faux. Victoria Azarenka a une magnifique force de balle et une rigueur exemplaire. Il n’y a plus de vraies joueuses de légende, et c’est ça que les gens voient.
C’est pour ça qu’ils se sont détournés du tennis féminin ?
Il y a eu tellement de joueuses incroyables pendant une période. Aujourd’hui, il n’y en a pas une qui se détache. Je ne parle pas des sœurs Williams ou de Maria Sharapova parce qu’elles sont anciennes et très médiatisées. Mais par exemple Victoria Azarenka (3ème du classement ATP ndlr), il faut tirer les vers du nez des gens pour qu’ils se souviennent de son nom. Le haut du classement change très rapidement, donc les gens n’ont pas le temps de s’identifier et de s’attacher aux joueuses. C’est à cause de ça que l’image du tennis féminin est moins bonne. Le public ne s’identifie plus à elles.
Qu’est-ce qu’il manque à ces joueuses ?
Le problème vient de leur personnalité. On n’arrive plus à percevoir ces joueuses, on ne retient plus leur nom, alors qu’il y a beaucoup de publicité et de médias autour d’elles. Elles communiquent moins avec le public. C’est dommage qu’elles ne soient pas plus humaines et chaleureuses, parce que quand on parle avec les gens, ils ressortent rarement déçus d’un match féminin. Au final, il y a autant de public pour les mecs et les filles. Il faut juste arriver à le faire venir. Si vous aimez le spectacle, même si ce n’est pas à Wimbledon ou à Roland-Garros, il faut aller voir ce qu’elles ont dans le ventre, même si on n’entend pas les noms des stars comme à une époque. Il a 15 ans, les Federer et Djoko n’existaient pas. Il n’y avait pas de joueurs de légende chez les hommes et les gens se déplaçaient pour voir les filles. Depuis quelques années, c’est l’inverse. Il faut juste attendre qu’une nouvelle génération de grandes joueuses débarque.
La Fédération a annoncé vouloir réformer le recrutement et la formation des joueuses, ça va changer quelque chose ? Au final, la formation hors-Fédé n’est-elle pas plus fructueuse ?
Il n’y a aucune recette miracle. Mauresmo et Nathalie Dechy sortent de la filière fédérale, elles ont pas mal réussi. C’est juste que la Fédération devrait donner le choix au joueuses, et ne pas les juger quand elles veulent rester autonomes. Quand on s’entraîne dans le privé, ce n’est pas qu’on n’aime pas la Fédération, c’est juste qu’on veut évoluer dans son cadre familial. La Fédé a aussi des efforts à faire sur la détection. Au-delà du talent, il faut prendre des joueuses qui aiment la compétition. Parce que l’un des problèmes majeurs aujourd’hui, c’est que les jeunes filles ne veulent pas faire de match. Elles n’aiment plus la compétition. Ça ne sert à rien de prendre beaucoup plus de joueuses si elles ne sont pas impliquées.
Certaines joueuses du circuit parlent des difficultés pour trouver des sponsors ou gagner leur vie, comment l’expliquez-vous ?
On vit bien quand on est dans les 100 meilleures. Il faut que les gains en tournois soient largement supérieurs à vos dépenses, et ce n’est pas facile quand on n’est pas dans les 100. Les sponsors, on n’en a pas, mais ce n’est pas nouveau. Il y en a de moins en moins. Même avec mon classement à la 60e place, je n’avais pas de sponsors qui me permettaient d’être tranquille toute l’année. Le reste de l’argent tombe avec les gains de tournoi. C’est une pression supplémentaire à laquelle il faut s’habituer. On gagne sa vie sur le terrain, et si joue pas, on gagne rien. Il faudrait plus d’aides pour les joueuses de la part des sponsors et de la Fédération. Mais le problème ne se limite pas aux femmes. Même les hommes ont ce problème. Les sponsors ne s’intéressent pas à ceux qui sont mal classés. Ils ont une politique plus élitiste et peuvent largement se contenter de Nadal et Sharapova.
Une Française pour assurer la relève ?
Pourquoi pas Kristina Mladenovic ou Caroline Garcia. Elles peuvent aller très haut. Il y a Alizé Cornet aussi. On l’oublie trop souvent, mais elle peut très bien créer la surprise. Elle a mûri et elle s’est déjà approchée du top 10. Elle peut toujours le refaire.








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