Mercredi, un imam Salafiste, le Cheikh Louai al-Zouabi, fit un appel du pied aux occidentaux dans une interview publiée par le journal Libération, pour lui fournir des armes dans le but de porter une guerre civile confessionnelle en Syrie. Dans le même temps, la Ligue Arabe se dit prête à armer les insurgés. Pourquoi la Syrie est-elle subitement au bord du chaos ? Roads revient sur cette crise géopolitique.
Dans la continuité du « Printemps de Jasmin », qui a déferlé sur certains pays du Maghreb et du Proche-Orient, la Syrie est aujourd’hui dans l’œil du cyclone démocratique qui a laissé la Libye en ruine et bouleversé le paysage politique de l’Egypte, la Tunisie ou encore le Yémen. Aujourd’hui, la guerre est aux portes d’un pays inconnu par la plupart de nos concitoyens il y a encore quelques mois.
On ne peut plus douter de l’ingérence occidentale dans le dossier libyen, mais la diabolisation de Mouammar El Kadhafi par nos principaux médias a permis de faire accepter à nos compatriotes, et nos camarades européens la responsabilité d’une guerre qui fera date dans l’histoire du XXIe siècle. La balkanisation de la Lybie engendrera des décennies de déstabilisation régionale, les troubles au Mali, qui durent en silence depuis plusieurs semaines, dû à des incursions d’Aqmi et de tribus Touareg en sont probablement les prémices.
La Libye a succombé après des mois de combat. Il est à craindre que la Syrie subira le même sort en cas d’invasion d’une coalition sous mandat onusien.
L’ONU, l’hypocrite conscience humaniste
Pourtant, l’échec la semaine dernière de l’ONU pour faire adopter une résolution visant le gouvernement syrien, est la preuve que la situation n‘est pas jouée d’avance. Ban Ki-Moon avouera lui même « Ce vote … amoindrit le rôle des Nations Unies et de la communauté internationale ». Ce répit pour Damas a pu se faire grâce à sa puissance diplomatique. En effet, la Russie maintient son veto au Conseil de sécurité en faveur de son dernier allié dans la région. La Chine, quant à elle, apporte son soutien pour équilibrer une partie d’ « échecs géostratégique » où les démocraties libérales occidentales essayent de dicter les règles.
Contrairement à ce qu’avance les principaux médias, aucune résolution ne sera prise pour le bien du peuple syrien. La vraie motivation n’est pas de défendre « l’aspiration à la liberté des peuples ». Il y a surtout la domination et l’exploitation de cette région qui est en jeu. Notamment par l’alliance qui réunit les Etats-Unis et Israël, avec pour soutien la Turquie et les monarchies pétrolifères, qui sont, il faut quand même le rappeler, empreinte de wahhabisme. Cette alliance se heurte à l’axe chiite qui comprend l’Iran, le Liban, la Syrie et le Hamas et d’une certaine manière l’Irak car c’est la tendance confessionnelle majoritaire du pays. Cet axe est soutenu par la Russie et la Chine.
C’est la raison pour laquelle aucunes résolutions drastiques ne seront prisent, les organisations internationales, que ce soit la Ligue arabe ou l’ONU, sont des entités supranationales qui n’appartiennent pas aux États qui les forment, mais à ceux qui les financent. Comment peuvent-elles alors être impartiales, qui plus est avec les enjeux géopolitiques dont il est question ?
Quelles sont les sources de nos médias ?
On peut aussi s’interroger sur la véracité des chiffres que nous matraque chaque jour les médias occidentaux ou Al-Jazeera. L’unique source qui apporte des chiffres sur les pertes rebelles est l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH), qui a surgi soudainement sur la scène médiatique. Cette association n’a aucun passé dont elle puisse se prévaloir. Son cadre est composé de Frères Musulmans. Ses affirmations concernant le nombre de civils tués, 5000 selon l’OSDH, sont invérifiables et donc sans valeurs. Elles sont pourtant reprises par tous ceux que cela arrange. De même que les commissaires des Droits de l’Homme envoyés sur place, ils sont tous trois ressortissants d’états qui militent pour l’intervention militaire contre la Syrie, et leurs enquêtes sont effectuées depuis la Turquie.
Des forces spéciales occidentales seraient déjà déployées en Syrie
Le gouvernement de Bachar Al-Assad reconnait la perte d’environs 2000 soldats et policiers depuis le début des troubles. C’est que la vérité est tout autre que celle imposée par nos médias. Selon Thierry Meyssan, journaliste et fondateur du Réseau Voltaire basé à Damas, une guerre non conventionnelle est menée contre la Syrie, « Les Occidentaux ont envoyé des combattants arabes et pachtounes, recrutés par le prince saoudien Bandar bin Sultan et encadrés par les forces spéciales françaises et allemandes. Ces combattants ont d’abord tenté de proclamer des émirats islamiques, puis ils ont organisé de vastes embuscades contre les convois militaires syriens. Aujourd’hui, ils sont commandés par un émir d’Al-Qaïda, le Libyen Abdelhakim Belhadj. Ils ont renoncé aux grandes opérations et mènent des actions commando au cœur des villes pour y semer la terreur en espérant provoquer une guerre civile confessionnelle ». Moscou a annoncé dans un communiqué, il y a trois jours, que des instructeurs britanniques seraient déjà en train d’encadrer les forces rebelles. Pourtant aucun média occidental n’a relayé cette information, pourtant capitale étant donné la situation.
L’impossibilité d’un nouveau scénario libyen en Syrie
La Libye est un pays qui reposait sur la force d’un régime politique pour garder son unité face à la division tribale. Mais la Syrie est une vieille nation. Il n’y a pas de fracture régionale comme entre la Cyrénaïque et la Tripolitaine. Le seul moyen de faire imploser ce pays est de jouer la carte de la division confessionnelle, ce qui n’est pas encore arrivé. La Syrie a toujours cultivé ses alliances, y compris dans son choix de résistance aux côtés des Palestiniens, des Libanais, des Irakiens et des Iraniens. Ancien protectorat et allié de la France, sa puissance diplomatique a pu lui obtenir en quelques jours le double veto russe et chinois au Conseil de sécurité. En outre, n’oublions que les Syriens sont 23 millions contrairement à la Lybie, quatre fois moins peuplée. Il sera très difficile de mener une guerre sur le sol syrien, l’armée syrienne est en état de guerre depuis plusieurs décennies et ses soldats sont aguerris.
Toute guerre contre la Syrie est appelée à s’étendre à l’ensemble de la région, voire à dégénérer en guerre mondiale si l’Iran ou la Russie interviennent directement
Cette situation tortueuse ne peut pas être du ressort d’une organisation supranationale qui ne respecte pas le gouvernement syrien car jugé non fiable et incompétent. Cela empêche tout dialogue entre les deux parties. Une expression française affirme que « lorsqu’on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage ». En l’occurrence, lorsque les puissances occidentales veulent envahir un Etat, leurs médias disent que c’est une dictature barbare, que leurs armées peuvent protéger les civils et qu’elles doivent renverser le régime et apporter la démocratie. Le peuple syrien lui, n’a pas été sollicité. Et ce sont les premières victimes dans un conflit qu’il n’ont pas crées.