La grande distribution: machine machiavélique ou bénédiction?

Raffael Enault 20/12/2012 0

« Au village sans prétention, j’ai mauvaise réputation… »

C’est bien connu, la grande distribution a mauvaise réputation. Accusés d’appauvrir les petits producteurs, d’exploiter ses employés, d’arnaquer le consommateur voire même, de l’empoisonner, les super marchés sont accusés de tous les maux. Or, peu de personnes réalisent vraiment à quel point les grandes surfaces contribuent à l’essor économique de la société française. Pourvoyeurs d’emplois en masse, acheteurs boulimiques auprès des producteurs locaux, les grandes enseignes sont , qu’on le veuille ou non, un rouage majeur de l’économie tricolore et même, occidentale.

Partout en France, dans chaque petite ville, il y a forcement un super marché. Bien souvent, il y en a d’ailleurs plusieurs et c’est logique : jusqu’à preuve du contraire, les gens auront toujours besoin de s’alimenter et le seul endroit où il est possible de trouver tous les produits de consommation basiques sont, incontestablement, les grandes surfaces. Dans quelques milliers de mètres carrés, des dizaines de rayons contiennent tout ce qu’il faut pour faire fonctionner un ménage. De l’alimentation aux fournitures scolaire en passant par les produits d’entretien, ces magasins ont tout ce qu’il faut pour permettre au consommateur lambda de tout trouver, facilement et ce, dans un temps réduit. Alors, logiquement, les petits commerçants ne peuvent rivaliser face à ses rouleaux compresseurs consuméristes. Dans un monde où la population – de plus en plus capricieuse – réclame des services à la demande, toujours plus personnalisés et surtout, toujours plus rapidement, les super marchés ne font, finalement, que répondre aux demandes et désirs de ses clients. Alors, certes, les grandes surfaces ont tendance provoquer l’éradication de petits commerces, mais les consommateurs sont-ils vraiment légitimes pour dénoncer un système qu’ils ont voulu ?

Personne ne force les gens à aller faire leurs courses dans les grandes surfaces. Chacun est, par conséquent, libre de faire marcher les petits commerçants. Or, dans une hypocrisie totale, il est de bon ton de dénoncer à tout va les dérives de la consommation dans sa version ultralibérale, mais il est nettement plus compliqué de changer ses habitudes et de revenir à un système plus respectueux du petit commerce.

Super U revisite le capitalisme « à la papa* »

Propriétaire d’un Super U en Haute Normandie, à Pont-Audemer, Gil Valparaiso est un chef d’entreprise lucide au sujet des mécanismes de fonctionnement de son secteur d’activité. Pour lui, son magasin est une structure quasiment indépendante qu’il gère d’une manière très paternelle. Tous ses employés, il les connaît, il leur parle, il les écoute. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si, au fil des années, les clients du magasin retrouvent les mêmes visages derrière les caisses ou au détour d’un rayon : les employés s’y plaisent, y restent et y évoluent! Humblement, il décrit son magasin ultramoderne et à la pointe du design, comme une simple « épicerie » dont il serait le patron. Après tout, il n’a pas vraiment tort : comme un épicier, son rôle est de nourrir la population !

Aujourd’hui, beaucoup l’accusent indirectement d’être responsable (lui et les autres acteurs de la grande distribution) de l’appauvrissement des petits producteurs. Preuves à l’appuie, il répond et explique calmement et avec une infinie minutie comment lui et d’autres propriétaires de Super U font pour stimuler l’activité de certains fournisseurs indépendants. D’abords, chaque supermarché doit fournir à ses clients des produits basiques fournis par des grands fournisseurs. Dans ce « tronc commun, » il y a les grandes marques de café, de pates, de produits ménagés etc…

Puis, les supermarchés doivent ensuite fournir une deuxième catégorie de produits auprès des plateformes régionales qui se fournissent-elles auprès d’entreprises locales relativement importantes.

En bon épicurien, M. Valparaiso choisi aussi de travailler directement avec des petits producteurs quand ces derniers proposent des produits inédits. Par exemple, il n’y a que deux supermarchés en France qui distribuent les glaces de la célèbre glacière Deauvillaise Martine Lambert : le Super U de Toucques et celui de Pont-Audemer. De la même manière, Gil Valparaiso arpente aussi une fois par an, les vignobles français pour dénicher quelques pépites œnologiques issues de nos terroirs avec toujours l’objectif de pouvoir les proposer plus tard dans ses rayons. Grâce à ces méthodes, son magasin est aujourd’hui en mesure de proposer une très large gamme de produits locaux ou artisanaux à ses clients.

Une mauvaise réputation méritée ?

Toute sa vie, Gil a baigné dans la grande distribution. Son père fut, à l’époque, l’un des pionniers de la grande distribution en France – via le groupe Leclerc.

Alors forcement, plongé dans les coulisses du système depuis son enfance, il comprend parfaitement pourquoi les grandes surfaces ont mauvaise réputation.

À leurs débuts, les grandes enseignes ont parfois négociés des prix avec les grandes marques leader dans leurs secteurs. Main dans la main pendant la période des Trente Glorieuses, ces dernières ont imposées des prix très bas sur certains produits de consommation de masse. Logiquement, les petits producteurs n’ont pas pu rivaliser et des grands groupes ont ainsi acquis petit à petit le monopole du marché.

Mais aujourd’hui, certains supermarchés ne veulent plus de cette image de requin de l’alimentation. Super U par exemple se veut proche du consommateur et surtout, du producteur local. Gil explique qu’il ne fait quasiment aucune marge* sur les « produits basiques et obligatoires que chaque supermarché tricolore doit avoir en rayon.

C’est donc clair. Il est dans son intérêt de privilégier les producteurs locaux et régionaux par rapport aux grandes marques car c’est avec « les petits » qu’il fait le plus de marge. La raison ? Il n’y a pas ou peu d’intermédiaires. Tout simplement. En fait, comme dans tous les domaines, le modèle consumériste mondialisé semble s’essouffler…

  • *« Capitalisme à la papa » : En opposition au capitalisme de spéculation. Marx avait théorisé cette différence en opposant le capitalisme bourgeois (de possession) au capitalisme féodal.
  • *Il ne fait aucune marge sur beaucoup de produits de masse et de marque qu’on retrouve dans tous les supermarchés de France.
  • * UNICO signifie Union Commerciale

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