Humilié par une défaite inattendue le 21 avril 2002 et par un retour manqué en 2006 du fait de l’ascension de (feu) Ségolène Royal, Lionel Jospin a longtemps bu l’amer calice de l’échec. L’homme est orgueilleux dit-on. Sorti du jeu politique, n’ayant plus rien à perdre, il commence par cracher le morceau en 2008 lors d’une interview à France culture : l’antifascisme n’est que du théâtre. C’était le début de la rédemption.
A la tête d’une commission sur la rénovation de la vie publique dont personne n’attendait rien, à l’instar de la commission Balladur de 2007 qui ne servit pas à grand-chose, Lionel Jospin nous surprend en se lançant dans un baroud d’honneur : instauration d’une dose de scrutin proportionnel et parrainage citoyen pour les candidats à l’élection présidentielle.
En d’autres termes, l’ancien premier ministre propose de faire deux brèches dans le système électoral français, actuellement verrouillé par les domestiques de l’oligarchie financière.
Pas de changement de pouvoir sans changement de mode de désignation du pouvoir
Le système électoral de la Vème République est celui du scrutin uninominal majoritaire à deux tours. L’électeur s’y prononce au premier tour pour un individu. Au second tour, un nouveau vote départage les deux candidats arrivés en tête lors du premier tour. L’avantage de ce mécanisme est qu’il permet de dégager une majorité claire au Parlement. Le désavantage est qu’il est extrêmement peu représentatif des votes des français, puisque seuls les votes portés sur le candidat vainqueur sont au final représentés, sachant que le candidat vainqueur est systématiquement, hors cas très exceptionnel et hors accords prééelectoraux, un membre de l’UMPS.
Grâce à ce système, l’UMPS règne en maître à l’Assemblée nationale, comme en témoigne la ratification quasi-unanime du TSCG. Les quelques miettes laissées à ses alliés ne comptent pour presque rien. Le Parlement est sous le contrôle de l’UMPS, donc sous le contrôle de l’Union européenne, donc sous le contrôle de l’oligarchie financière.
Le « système des partis », que De Gaulle croyait avoir anéanti, a ressuscité après sa mort.
Tant que ce nouveau système des partis perdure, l’UMPS tiendra le Parlement et continuera de vendre la France à ses employeurs. Pour changer de pouvoir, il faut donc changer la méthode de désignation du pouvoir.
Que le lecteur sache bien que le Parti radical français, complètement décrédibilisé par l’impréparation à la guerre, n’a été politiquement éjecté que par un changement dans la désignation du pouvoir, lorsque les institutions de la Vème République sont entrées en vigueur et qu’a été mis en place…le scrutin uninominal majoritaire à deux tours.
Nous pourrions également citer les cas des parlements de justice, tout puissants dans la deuxième partie du XVIIIème siècle et qui disparaitront du jour au lendemain à partir du moment où le pouvoir suivra un autre mode de désignation lors des élections des Etats généraux de 1789.
L’Histoire nous enseigne que le changement politique est inconcevable sans changement de mode de désignation du pouvoir.
La commission Jospin propose que 10% de l’Assemblée soit élus au scrutin proportionnel. C’est peu, mais cela reste un espace dans lequel des candidats non membres de l’UMPS peuvent s’engouffrer. Espérons donc que cette proposition (promesse de campagne de Sarkozy et de Hollande…) soit retenue et qu’à terme, on élargisse le spectre des représentants élus au scrutin proportionnel.
L’UMPS n’est plus directeur de casting
Les élections présidentielles françaises, telles qu’elles sont régies aujourd’hui, sont une blague de très mauvais goût destinées à faire croire que le peuple est souverain et que la démocratie existe.
Autant l’exigence de parrainages était raisonnable au début de la Vème République lorsqu’elle se limitait à cent, autant est-elle devenue un véritable verrou politique lorsque M. Giscard d’Estaing, toujours bien placé quand il s’agit de faire un sale coup à la France, fit passer cette obligation à cinq cents. C’est un secret de polichinelle : obtenir les cinq cents parrainages est logistiquement et financièrement impossible à tout autre parti que le Parti socialiste et l’UMP, chacun riche en millions.
Quand un parti ne faisant pas part de l’UMPS obtient les cinq cents parrainages, c’est parce que l’un des deux partis majoritaires a donné des consignes en ce sens à ses élus. Soit dans le but d’élargir son spectre électoral en vue d’un plus grand report de voix au second tour, soit pour affaiblir leur concurrent direct au premier tour.
En résumé, l’UMPS, valet en chef de l’oligarchie financière, a un contrôle total du casting (car c’est une pièce de théâtre « storytellisée ») de l’élection présidentielle. Le peuple français est sommé de choisir entre des individus choisis par des partis politiques qui depuis plusieurs décennies ont prostitué la France à l’oligarchie financière, en la livrant au maquereau qu’est l’Union européenne.
L’instauration d’un parrainage citoyen serait une façon de courcircuiter ce pouvoir hallucinant et illégitime de l’UMPS. Ce serait le germe d’un véritable changement puisque si peut être candidat à la présidentielle toute personne recueillant cent cinquante mille parrainages, par définition, l’UMPS perdrait son pouvoir de désignation. Il ne serait plus directeur de casting.
Nous ne sommes pas naïfs, des possibilités de fraudes existeront. On sait que dans le projet actuel, c’est la préfecture (aux ordres du pouvoir central) qui serait chargée de décompter les parrainages…On peut également compter sur nos presstituées pour organiser une conspiration du silence afin de ne donner aucun écho aux personnalités non soumises aux dogmes de l’idéologie dominante actuelle, qui seraient susceptibles d’obtenir les parrainages.
Cessons de tourner autour du pot et disons le net : avec le système des parrainages citoyen, compte tenu de l’influence croissante d’internet, de la décomposition programmée d’une France sujette au droit néolibéral européen et du désenchantement progressif des Français vis à vis de leur classe politique, il est très possible qu’en 2017, nous assistions à un rebattage de carte complet en matière de candidatures. Pas de quoi faire une révolution nous dira-t-on. Mais largement de quoi donner de l’air et jeter les germes d’un véritable changement politique.
Le processus ira-t-il jusqu’au bout ?
Le système électoral actuel est complètement verrouillé. Tout va tellement dans le même sens depuis plusieurs années, celui de la technocratie non élue œuvrant pour le mondialisme, qu’il est surprenant de voir préconisées des mesures permettant de rapprocher le peuple du cœur du processus politique.
Trêve d’enthousiasme hâtif : les mesures en question sont pour le moment proposées et non adoptées. Peut-être ne s’agit-il d’ailleurs que d’un leurre médiatique, permettant de faire croire que le sommet de l’Etat se soucie réellement de la condition antidémocratique de nos institutions.
Mais il se peut aussi que l’UMPS ait été pris au dépourvu par Lionel Jospin. Et qui sait, peut-être que l’UMPS est certaine de son emprise sur les institutions au point d’accepter cette petite concession. Ce serait de surcroît un os à ronger pour un peuple de plus en plus révolté, non pas contre l’austérité car c’est un euphémisme, mais contre le rabaissement de son niveau de vie.
Croisons les doigts pour que ces mesures soient votées. Elles seraient la meilleure nouvelle politique depuis…que ce même Lionel Jospin a mis en échec le coup d’état financier mondial que représentait l’Accord multilatéral sur l’investissement.
Ah Monsieur Jospin, que n’avez-vous été plus constant…Tweet








