« L’Empereur du Sahara » : l’incroyable épopée d’un homme sans particule

Raffael Enault 04/06/2014 0

Il est fort probable que, pendant la lecture de « L’Empereur du Sahara », vous soyez happés par la folle histoire de Jacques Lebaudy, le fantasque protagoniste de cet ouvrage biographique truffé d’anecdotes si incroyables, que beaucoup le confondent avec un roman.

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Fils d’un très grand financier, Jacques Lebaudy est, dès sa naissance, un privilégié. Son père, Jules Lebaudy, est un homme d’affaires de talent, qui, entre boursicotage et placements immobiliers habiles, parvient à se construire un fortune colossale, avec l’or pour seul Dieu. Sa mère, au contraire, est une grenouille de bénitier, qui, malgré son statut de bourgeoise, se plaît à critiquer sans répit les dérives du capitalisme et la République nouvelle qu’elle dénigre, regrettant ardemment les valeurs plus chrétiennes et traditionnelles de l’Ancien Régime. De cette union atypique naîtront quatre enfants - trois garçons et une fille -, dont Jacques.

Riche a ne plus savoir qu’en faire, Jacques se cherche pendant sa jeunesse. Adepte du yatching, cavalier confirmé, aventurier en devenir, il s’essaye à de nombreux loisirs très onéreux, et, comme son jeune frère, Max, distribue, avec une aisance déconcertante, les gros billets autour de lui. Mais Jacques est aussi fou et naïf qu’il est brillant et visionnaire. Des années avant tout le monde, il entrevoie le potentiel inouï des sous-sols marocains, très riches en nitrates. Désirant, dans un premier temps, établir une sorte de comptoir commercial qui permettrait d’exporter - par voie ferrée, puis par la mer - ces ressources minières rapidement vers l’Europe, Lebaudy se heurte à l’indifférence des Etats, qui, clairement, le méprisent.

Alors, vexé, Jacques prend la mer sur deux goélettes lui appartenant, accompagné d’un équipage de basse extraction, qui, très rapidement, prend peur face aux excentricités de leur patron ; ce personnage haut en couleur qui n’hésite pas, dès les côtes africaines en vue, à exiger de ses hommes qu’on l’appelle « son Altesse ». Il baptise ensuite sa capitale « Troja », mais, cette dernière ne verra jamais le jour. Agacés, inquiets, les gouvernements locaux et étrangers, s’interposent, et bloquent « S.A.S. Jacques 1er » dans son entreprise de fondation d’un empire du Sahara. Malgré des sommes colossales investies, Jacques ne parvient pas à faire exister son territoire et doit renoncer à ses ambitions, surtout que la presse le caricature désormais en fou et qu’une partie de ses hommes d’équipage a été capturée par les Maures, qui refusent pendant de longs mois de les libérer.

Jacques 1er s’enfuit donc, abandonnant là certains de ses matelots infidèles et surtout une grande partie de ses rêves. Pendant quelque temps encore, il tente de faire exister son empire depuis son domicile bruxellois qu’il considère comme une ambassade. En vain. Certainement déçu, il quitte l’Europe pour New York, où il renoue avec le succès, faisant preuve d’un flair hors du commun sur la place financière de Wall Street. Toujours excentrique et encore plus fortuné, il finira, le 11 janvier 1919, criblé de balles : sa compagne l’a abattu, dans un geste de panique, alors que Jacques brandissait face à elle un couteau …

Un livre réussi

Il est indéniable que l’auteur, Philippe Di Folco, est extrêmement doué et minutieux. Dans cette biographie, chaque détail est véridique ; l’ensemble est d’une précision chirurgicale, comme la plume de l’écrivain qui, à n’en pas douter, est habité par le souci permanent du mot juste - comme l’était François Dufay, par exemple. Incontestablement, ce livre est un « must » pour cet été.

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L’Empereur du Sahara, par Philippe Di FolcoEmpereur du Sahara Di Folco LEmpereur du Sahara : lincroyable épopée dun homme sans particule

  • Broché: 192 pages
  • Editeur : Galaade Editions (6 mars 2014)
  • 17,00 euros

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