ITV: « Je suis un dealer de droite »

Aurélie Vilmot 23/01/2013 0

Très éloigné du cliché de dealer de « shit » qui traine en bas des blocs HLM, Christophe* vend pourtant la même chose que ces derniers, les inconvénients en moins. Qui est donc cet extraterrestre qui détruit, à lui seul, le mythe du jeune à casquette qui « bicrave » ?

blow 2001 32 g ITV: Je suis un dealer de droite

Comment en es-tu arrivé à devenir dealer ?

« Dès mon adolescence, j’ai été entouré de gens qui étaient dans ce milieu. La plupart de mes potes étaient originaire de la même petite ville que moi. Tous les jeunes se connaissaient forcement, beaucoup fumaient déjà, donc ça a été très facile de commencer. Après, on comment vite à apprécier l’argent facile mais malheureusement, on en veut toujours plus. C’est comme ça que la plupart des mecs qui sont là dedans se font d’ailleurs repérer, ils en veulent toujours plus. Avec cette logique, ça casse toujours tôt au tard. »

Pourtant, tu n’as rien du profil typique d’un « mec qui vend du shit ? »

« Je n’ai jamais vraiment été dans le délire « cité ». Les conneries de petits lascars et les courses de scooter, ça n’est pas mon truc. Et puis, il faut être idiot pour se faire remarquer quand on fait du business, surtout quand ça marche pas trop mal. Moi, je suis plutôt un adepte du : « pour vivre heureux, il faut vivre caché » ».

Que penses-tu justement de tous ces jeunes de cité qui sont en plein dans le cliché ?

« La plupart sont des braves mecs mais c’est clair qu’ils sont loin d’être tous des génies. Les types font croire qu’ils vivent dans un film alors qu’au final, il n’y a rien de plus chiant que la vie en cité. Ces gars là ont des vies de merde donc l’apparence, c’est tout ce qu’ils ont pour briller. Par exemple, ils crient tous qu’ils veulent que la « ganja » (cannabis) soit légalisée mais personne n’a compris qu’il n’y aura plus de business si on fait ça ! C’est pour ça, moi je suis dealer mais je vote à droite. J’aime trop l’argent pour jouer au rigolo gaucho ».

C’est quoi la différence entre eux et toi ?

« Déjà, je ne mets pas de casquette (rire). Après, il faut juste réfléchir deux secondes et comprendre que les ¾ des fumeurs n’ont pas envie de prendre des risques juste pour choper un bout de shit en allant dans des quartiers qui craignent. Tout le monde sait qu’une fois sur deux, ça risque d’être un peu traquenard de « pécho » à un renoi en bas du bloc. Donc, voilà, je suis blanc, discret, propre sur moi. C’est logique que j’inspire plus confiance qu’une équipe de dix loubards à casquette ! Et puis, la BAC (Brigade Anti-Criminalité) ne s’arrête jamais pour moi (rire) ! »

Dealer engendre de gros risques, comment vis-tu ça ?

« Bien sûr qu’il y a un risque. Je sais très bien que ce que je fais n’est pas légal et le matin, je me réveille d’instinct à 6h (heure légale de perquisition. ndlr)… On vit dans un monde et une société difficile et c’est clair que c’est pas facile d’avoir ce stress supplémentaire. Je fais pas ça pour le plaisir non plus. Après, comme tous les jeunes qui veulent s’en sortir, je fais des études et forcement, ça coute cher. Mes parents ne sont pas pauvres mais ils n’auraient pas pu me payer les sorties, les vacances, un appart’, une voiture et mes études en même temps. Et ça doit être la cas de beaucoup de jeunes issus des basses classes moyennes. J’ai essayé un peu de bosser au Mac Do mais j’ai compris directement qu’à 7 euros de l’heure, 15 heures par semaine, je n’allais pas aller loin! Donc je n’ai pas eu vraiment le choix. J’avais vraiment pas envie de finir VRP pour une boite de fenêtre en PVC comme tous les mecs avec qui j’ai été au collège. Le reste, je sais que c’est temporaire. J’assume ! »

La question qui fâche : et si ton petit frère ou ton fils s’engageait dans la même voie que toi ?

« Premièrement, si je fais ça c’est pour pouvoir réussir mes études et investir dans un petit commerce légal. J’ai aucune envie d’être hors-la-loi toute ma vie. L’argent que je gagne je le « crame » pas. Mon frère, si j’en avais un, n’aurait pas besoin de faire ça puisque je l’aiderai, comme les gens dans des situations plus confortable que la mienne. Et mon fils, il aura besoin de rien plus tard c’est j’en suis sûr ! Le cas de conscience, c’est que c’est de la drogue. Ok. Moi, je ne verse pas dans autre chose que le cannabis qui finira par être dépénalisé un jour ou l’autre et peut-être même que ce sera rétroactif (rires) ! Je ne suis pas un idiot et il faut arrêter l’hypocrisie, les antidépresseurs de la ménagère sont encore plus nocifs que de la weed. Je n’incite personne à dealer, si tu tombes c’est l’Enfer. Jamais je mettrai un pied en prison, c’est synonyme de suicide. L’Etat devrait quand même avouer que du papi de soixante balais au petit jeune en fac’, il y a un marché et mieux vaut un gars comme moi qu’un autre qui va acheter des armes. »

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