« Chelli » d’Asaf Korman : un amour à huit clos

Un film de Asaf Korman avec Liron Ben Shlush, Dana Ivgy et Yaakov Daniel Zada. Sortie le 4 mars 2015.

Le pitch

Chelli et Gabby sont sœurs et s’aiment follement. Chelli s’occupe seule de Gabby qui est handicapée mentale. L’arrivée d’un homme – Zohar – dans la vie de Chelli fait naître un trio singulier, où les frontières entre protection, sacrifice et amour vont être brisées.

L’avis

Chelli est un vrai drame qui a été inspiré par l’histoire qu’a vécu Liron Ben-Shlush (la femme du réalisateur) qui est en même temps l’actrice et la scénariste. On est en plein dans le « film réalité ». L’histoire de Chelli -qui sacrifie sa vie pour l’amour de sa sœur- est terriblement dérangeante. L’univers de ce long-métrage se trouve entre la douleur, l’horreur et la poésie.

Il y a une performance extraordinaire dans le film outre celle de Liron Ben-Shlush, c’est celle de Dana Ivgy. A aucun moment on pense que c’est une actrice qui joue à l’autiste tant Ivgy est habitée par son rôle (Dana Ivgy est considérée comme une des meilleurs jeunes comédiennes en Israël). Elle nous émeut et nous dérange en même temps. Rarement une actrice est arrivée, sans pousser le trait, à obtenir un tel jeu dans son expression, sa démarche, ses ressentis ; rien que pour cette performance on doit voir ce film.

Asaf Korman pour son premier long métrage n’a pas cherché la facilité tant au niveau du sujet que du principe de sa réalisation. Il a pris le parti du huit clos qui donne encore plus ce sentiment d’étouffement, d’intimité, dans cette relation entre ces deux sœurs. Il a employé le cinémascope qui ajoute une dimension supplémentaire à cet unique décor, comme si ce lieu était un paysage. Tout l’univers où vivent ces deux jeunes femmes est en dés-ordre, poussiéreux, chaotique à l’image de leur complicité ; la seule lucarne avec l’extérieur est la télévision ; pour exprimer son mécontentement vis à vis de sa sœur, c’est cet objet que Gabby va détruire.

Le travail sur la bande son est exemplaire. On entend hors champs, la ville qui vit, qui respire alors que Chelli est enfermée avec sa sœur et qu’elle pourrait profiter de cet univers ensoleillé. Il y a quand même dans ce drame des moments de poésie pure avec l’arrivée de l’homme et sa relation avec Chelli et surtout avec Gabby où lorsqu’elles courent en bas de l’immeuble où elles habitent. Le sexe bien sûr tient une part importante dans le film et dans la relation entre les deux sœurs et pose des problèmes à Chelli. Il sera le moteur de la tragédie sentimentale de Chelli et de Gabby. Avec un réel talent, une intelligence dans la direction d’acteur, Asaf Korman nous entraîne dans une histoire d’amour follement désespérée et désespérante.