La Guadeloupe détient le record d’homicide en 2013, loin devant Marseille et la Corse

Arthur Beaufils 19/07/2013 0
Au Ministère de l’Intérieur, Marseille ou encore la Corse retiennent toutes les attentions après une sanglante année 2012 et une année 2013 qui s’annonce du même acabit. Pourtant, avec 27 morts depuis janvier par armes à feu ou blanches, la Guadeloupe est la région la plus dangereuse de France.

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La liste est longue… Trop longue pour être énumérée. Depuis le 3 janvier 2013, la Guadeloupe et les îles du Nord ont connu une recrudescence de la violence avec notamment 27 homicides volontaire avec armes. Toute « l’Ile Papillon » subit cette vague de violence, plus particulièrement la zone du Gosier, des Abymes et de Pointe-à-Pitre. De la partie de domino qui dérape aux sombres histoires d’argent, d’amour et de drogue (souvent les trois à la fois), ce paradis des Antilles est devenu un enfer en comparaison des villes de métropole comme Marseille ou la sempiternelle et violente Corse, qui font les choux gras des médias nationaux.

Le 14 janvier dernier, le procureur général de la Cour d’appel de Basse-Terre, Catherine Champrenault, avait déclaré que la Guadeloupe enregistrait « une hausse générale de la délinquance qui concerne notamment les comportements les plus graves et les plus perturbateurs pour la vie sociale. ». En 2011, le département a connu 44 affaires pour homicides volontaires, assassinats et coups mortels contre 36 pour l’année dernière. Le « cru » 2013 risque d’être encore plus sanglant avec ces 27 affaires au début du semestre.

Gold, drugs & guns

Quelles sont les causes de cette vague de violence morbide ? Le parquet général rappelle que « la Guadeloupe et son archipel restent toujours la cible d’importations massives de stupéfiants. On l’a constaté récemment, en novembre dernier, avec la découverte de 73 kg de cocaïne au large de Marie-Galante, et en décembre, avec la saisie de 158 kg dans une habitation de Montgaillard. Ces trafics, qui génèrent une économie souterraine et des règlements de compte, causent aussi d’importants dégâts humains chez les usagers et les personnes acheminant ces produits. »

Selon les chiffres du Conseil Général, au deuxième trimestre 2012, le taux de chômage en Guadeloupe s‘élève à 22,9 % mais c’est surtout celui des jeunes de 15 à 24 ans qui est préoccupant avec des chiffres qui culmine à plus de 53% ! « L’oisiveté mère de tous les vices », selon l’adage populaire, qui se vérifie dans l’île la plus peuplée des Antilles françaises. Avec le litre de rhum blanc à partir de 6 euros, les fêtes dégénèrent régulièrement en bagarre où les couteaux sont vite de sortie voire la machette, un outil qui équipe la plupart des voitures des jeunes de l’archipel. Les vengeances s’administrent souvent avec des fusils de chasse modifiés et les crimes passionnels sont légion. Ce cocktail explosif devient meurtrier sans compter les effluves de ganja et crack qui concentrent les comportements violents et vénaux.

Selon Adrian Ako, journaliste pour le quotidien France-Antilles, cette situation n’est pas  »étonnante ». « Il y a quelques années, l’île avait obtenu le titre de département le plus violent de France. Entre les trafics de drogue et la consommation de stupéfiant qui touche de plus en plus tôt les jeunes et l’apparition des phénomènes de « gang », un peu comme sur le modèle américain, la Guadeloupe doit faire face depuis quelques années à une véritable recrudescence de la violence », explique t’il. En 2012, les habitants et commerçants de Guadeloupe ont subi 460 vols à main armée. Quant aux atteintes volontaires à l’intégrité physique (qui regroupent les agressions, blessures volontaires, violences conjugales, vols avec violences…), 6 595 faits ont été signalés sur la même année, 400 de plus qu’en 2011. « On assiste aussi à un nouveau phénomène : celui des cambriolages avec séquestrations sous la menace d’armes », a-t’il ajouté.

Le record d’homicide en 2013 pour ce département s’explique par cet environnement ultra-violent et banalisé chez les jeunes. « Ils sont souvent livrés à eux même. Ils n’ont plus peur de la justice, de la prison, des armes et même de la mort. »

« Qui protège le reste des Guadeloupéens ? »

C’est une des revendications récurrentes de toutes les manifestations de Cayenne à Pointe-à-Pitre en passant par Fort de France, l’Etat français minimise les problèmes de ces départements d’Outre mer d’où un sentiment d’être « laissés pour compte » chez la population. Face à une grève de distribution du carburant qui a paralysé toute l’île il y a 3 semaines, Jean-Marc Ayrault est venu début juillet sur l’archipel pour tenter d’apaiser les esprits. Il a été question d’infrastructures, de vie chère et évidemment de la montée de violence. Le Premier ministre a pris une décision presque risible : une centaine de nouveaux gendarmes et policiers vont arriver sur l’île. Pour A. Ako, cette annonce ne résoudra rien, « les effectifs de Police vont augmenter de 27 fonctionnaires et un escadron de gendarmerie, ce qui représente 75 hommes, va être dépêché sur l’archipel ou plus précisément une zone de l’île ». En effet, le préfet, Madame Marcelle Pierrot, a aussitôt affecté ces effectifs sur la ZSP (Zone de Sécurité Prioritaire) de Pointe-à-Pitre/Abymes dans des missions de sécurisation et de répression. « Rappelons tout de même que l’île compte 400 000 habitantes la zone Pointe-à-Pitre/Abymes représente environ 75 000 habitants. Que va changer l’arrivée de 102 représentants de la loi sur l’île ? La question est : qui protège les 325 000 guadeloupéens restant ? »

Alors que la criminalité à Marseille ou en Corse est devenue une arme politique et du même coup surmédiatisée, la Guadeloupe semble sombrer de plus en plus dans une abîme que la crise économique creuse de mois en mois. À titre de comparaison, 11 homicides ont été recensés à Marseille et 13 en Corse sur la même période. « Les forces de l’ordre font face au sous effectif mais aussi à la désorganisation des hommes politiques et l’ensemble ne permettra sûrement pas d’améliorer la situation » analyse sobrement le reporter du quotidien France-Antilles. Une question urgente se pose : A quand une (ré)action des pouvoirs publics ?

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