L’effroyable histoire d’Anene Booysen n’est pas sans rappeler le viol collectif de l’étudiante indienne qui a provoqué un véritable électrochoc dans un autre pays où ce crime est presque toléré tellement il semble banal. Le 2 février dans la petite ville de Bredasdorp, la jeune fille de 17 ans sort d’un pub lorsqu’elle esyt prise à partie par un groupe d’hommes, dont faisait partie son ex-petit ami selon l’accusation. C’est le début d’un calvaire innommable, violée à plusieurs reprises avant d’être éventrée, Anene Booysen a été retrouvé au bord d’une route par des agents de sécurité. Elle est décédée quelques heures plus tard à l’hôpital local. Deux des auteurs présumés de ce crime sont jugés aujourd’hui pour une demande de libération sous caution.
La société sud-africaine s’était indignée de cet assassinat particulièrement affreux avait d’occulter ce fait divers par le procès d’Oscar Pistorius pour le meurtre de sa compagne la veille de la Saint-Valentin. «Je crois que l’indignation publique a été largement conduite par les médias, ce qui est aussi un problème car ils ne se concentrent que peu de temps sur un sujet», analyse Lucy Holborn, chercheuse à l’Institut sud-africain des relations entre les races (SAIRR).
Triste record mondial et quasi-impunité
Un viol toutes les 17 secondes. C’est ce que montre certaines statistiques sur les crimes sexuels en Afrique du Sud. De fait, les statistiques sont effrayantes: 40% des Sud-Africaines seront violées dans leur vie et plus de 25% des hommes interrogés admettaient avoir déjà commis un viol et le quart de ces criminels sont séropositifs. Dans certains townships et les zones rurales, les croyances sectaires voient le viol d’une jeune vierge comme un remède pour le sida.
Il est toujours très difficile de chiffrer exactement ces exactions à l’encontre des femmes puisque la majorité des cas ne sont pas rapportés à la police. Seuls 14% des violeurs passeraient en jugement selon certaines estimations.
Un fléau national incarné par son chef ?
«De nombreux Sud-Africains sont victimes de leur histoire et de leur situation économique. Le chômage et l’abus de drogues ajoutent un ennui enivré à une culture sociale qui semble donner aux hommes un droit aux corps des femmes. Rien de tout ça ne peut être changé du jour au lendemain» pouvait-on lire dans l’éditorial du journaliste Stephen Grootes.
Au-delà d’un mal sociétal difficilement compréhensible et encore plus difficilement amputable au passé douloureux de l’apartheid ou à d’ éventuelles difficultés économiques, c’est l’image de la femme en général dans la société sud-africaine qui doit être amélioré. Malgré les déclarations du président Zuma devant le Parlement le 14 février qui appelle à «une unité d’action pour éradiquer ce fléau» ajoutant que «La brutalité et la cruauté contre des femmes sans défense est inacceptable et n’a pas sa place dans notre pays», ces dernières n’arrivent pas à convaincre. Polygame assumé, Jacob Zuma a été disculpé dans une affaire de viol en 2005. Il avait été durement critiqué durant le procès pour avoir joué la carte du démagogue sexiste s’appuyant sur les tensions ethniques du pays pour faire valoir son innocence. Dans les semaines qui ont suivi le calvaire d’Anene Booysen, de nombreux cas de viol sur des femmes âgées de 2 à 98 ans ont été rapportés par les médias.
Le chef de l’Etat n’a cependant toujours pas annoncé de mesures concrètes. Il a ultérieurement nommé un proche à la tête de la Cour constitutionnelle, un juge qui avait réduit les peines de violeurs. Dans le même temps, les aides allouées aux centres d’assistance des victimes ont drastiquement baissée dans un pays qui s’appuie sur une croissance haute. La sociologue Lucy Holborn estime que le pays aurait surtout besoin d’une police et d’une justice efficaces, ainsi que de programmes d’éducation dignes de ce nom.