Israël équipe des sous-marins de missiles nucléaires. Der Spiegel, l’hebdomadaire d’investigation le plus influent outre-Rhin, vient de publier une enquête alarmante dans son édition parue lundi
Cette nouvelle, très discrètement évoquée par nos médias, risque d’accroître les tensions au Moyen-Orient. Si l’Iran est critiqué et menacé de sanctions internationales par rapport à la poursuite de son programme d’enrichissement d’uranium, l’Etat hébreu multiplie les provocations à l’encontre de ses voisins arabes. La position officielle israélienne a toujours été de ne pas confirmer ni infirmer les spéculations relatives à sa possession de l’arme atomique. Equiper des sous-marins de telles armes permet d’accentuer la capacité opérationnelle de ces dernières. Les submersibles pourraient s’aventurer dans le Détroit d’Ormuz et frapper toutes les agglomérations iraniennes. Il est sûr que cette annonce va engendrer une vive réaction de Téhéran.
« Ambiguïté délibérée »
Le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) n’a jamais été signé par Israël (comme l’Inde, le Pakistan et la Corée du Nord). L’institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) estime le nombre d’armes nucléaires détenues par le pays à 80. En outre, Mordechaï Vanunu, ancien technicien de la centrale nucléaire de Dimona, avait révélé que Tel-Aviv possède aussi plus de 200 armes atomiques. Il a été condamné par la suite à 18 années de prison pour haute-trahison. Cet armement constitue un des arsenaux les plus imposants au monde.
Berlin se dédouane
D’après le magazine, Berlin a toujours nié que ces sous-marins puissent faire partie de l’arsenal nucléaire israélien. Mais selon Der Spiegel, d’anciens hauts responsables du ministère de la Défense allemand lui ont assuré que le gouvernement avait en fait toujours pensé qu’Israël équipait de munitions atomiques les submersibles d’attaque de classe Dolphin.
« Je confirme que nous avons des sous-marins allemands, ce n’est pas un secret », a déclaré le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères Yigal Palmor à l’AFP. « Pour le reste je ne suis pas tenu de me prononcer sur leurs capacités », a-t-il ajouté.
L’annonce que les submersibles vendus à Israël étaient dotés de munitions atomiques a donné lieu à une vive réaction de l’opposition sociale-démocrate (SPD) qui a demandé des explications au gouvernement d’Angela Merkel. « Le gouvernement fédéral doit fournir des renseignements pour que l’on sache si les sous-marins livrés par l’Allemagne peuvent être équipés de systèmes potentiellement porteurs d’ogives nucléaires », a déclaré Rolf Mützenich, porte-parole sur les questions de politique extérieure du groupe parlementaire du SPD. « Jusqu’à présent, ces livraisons avaient été entre autres justifiées par le fait que ces sous-marins faisaient partie d’un arsenal de dissuasion conventionnel », a-t-il fait remarquer. Dans sans armement nucléaire.
Des sous-marins « cadeaux »
La réaction du gouvernement ne s’est pas fait attendre étant donné les difficultés éléctorales de ce dernier et l’extrême sensibilité du sujet. « La livraison (des sous-marins, NDLR) s’est faite sans armement », a répondu au Spiegel le porte-parole de la chancelière Angela Merkel, Steffen Seibert, ajoutant : « le gouvernement fédéral ne participe pas aux spéculations sur son armement ultérieur ».
L’Allemagne a déjà livré trois de ces sous-marins à Israël, finançant d’ailleurs la plupart de la facture, et trois autres doivent être livrés d’ici à 2017. Israël étudie par ailleurs la possibilité d’en commander trois de plus, selon Der Spiegel.
« Les Allemands peuvent être fiers d’avoir garanti l’existence de l’État d’Israël pour les années à venir », a déclaré à propos de ce contrat le ministre israélien de la Défense Ehud Barak, cité par le journal. Selon Der Spiegel, Berlin espérait notamment en échange de ces contrats voir des concessions israéliennes sur les colonies dans les territoires occupés palestiniens. On sait aujourd’hui qu’aucun effort n’est fait dans ce sens. La Cisjordanie étant régulièrement le théâtre de nouvelles implantations sauvages de colonies.
L’Iran a commencé à produire en série il y a quelques mois un missiles anti-navire, Zafar, de conception locale et une torpille Valfajr longue portée de dernière génération. Ce matériel, lors de démonstrations, avait considérablement impressionné les experts militaires, notamment américains. Une guerre dans le détroit d’Ormuz n’a jamais parue aussi proche.
Par Arthur Beaufils
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