Un récit filmé par Salomé Lamas. Sortie le 2 juillet 2014. Critique.
Le pitch :
Paulo de Figueiredo, un mercenaire portugais de 66 ans, s’exprime sur son passé et nous livre un récit personnel et officieux sur les conflits auxquels il a assistés dans divers pays et continents, à la marge de deux mondes : celui du pouvoir et celui des révolutions. Paulo parle de lieux et de faits anonymes, de fragments de violence, de cruauté et de ses propres expériences. Salomé Lamas interroge la distinction entre les faits et l’imagination, entre les réalités authentiques et artistiques, entre souvenirs et histoires.
L’avis :
Dans un espace désaffecté, détruit, devant un borniol, assis face à la caméra, une cigarette aux bouts des doigts, un homme âgé nous parle de sa soi-disant expérience de mercenaire en Angola (Afrique), sans une once de remord. Un discours froid, cohérent. « Terra Nullius » est une locution latine pour dire territoire sans maître. Ce titre a plusieurs sens à nos yeux de spectateur. D’une part le témoignage, le récit, de Figueiredo qui parle d’une contrée où l’état de droit n’existait pratiquement plus, d’autre part le lieu même du tournage. Paulo est dans un espace où nous n’avons aucun repère, il est assis sur une chaise qui fait penser à la chaise du condamné à mort. Une chaise pour recevoir l’absolution du spectateur ? Est-il celui qui a fait toutes ces exactions ? Est-il un affabulateur ? Est-il coupable ? Il y a dans son récit une grande colère, celle d’avoir servi son pays, une cause, une idéologie à laquelle il adhérait et le changement politique l’a transformé en coupable. Un autre sens du titre est que Paulo vit dans un no man’s land. Il est devenu SDF dans un territoire où il n’y a aucune loi. Après la prison, il est dans cet isolement forcé. Mais vivre dans cette « Terra Nullius » où, il n’a plus rien à perdre, lui a donné l’envie de raconter. Salomé Lamas a eu la chance, grâce à son oncle sociologue qui avait un projet sur la communauté des sans-abris, de rencontrer Paulo qui a accepté de partager son histoire avec elle. Le film est structuré par des intertitres, des chapitrages. Paulo de Figueiredo est tellement à l’aise dans son discours que cette manière de découper le film rend le personnage plus fictionnel. La vérité est-elle une illusion, ou l’illusion est la vérité ? Salomé Lamas est une jeune réalisatrice, vidéaste – née à Lisbonne en 1987- qui a remporté quelques prix internationaux au cours de sa jeune carrière tant en documentaire qu’en court-métrage. Avec ‘Terra Nullius » elle a fait un film politique qui n’est ni engagé, ni propagandiste. La manière radicale, sans détour qu’a Paulo de nous raconter sa vie de mercenaire et la place de la caméra, nous met mal à l’aise. Dans un sens où ils nous font réfléchir sur le caractère paradoxal et hypocrite des démocraties, Paulo de Figueiredo et Salomé Laumas, sans discours moralisateur, suggèrent que nous sommes tous coupables. Cet entretien il faut avoir le courage de le regarder en face et de l’accepter. On a en face des yeux, un document rare.






