La Silicon Valley russe

Arthur Beaufils 02/06/2012 0

Dans la banlieue de Moscou, un des plus grands projets de la Russie de Vladimir Poutine est en train de sortir de terre. Sur 380 hectares, c’est un centre de recherche et d’innovations technologiques qui va être construit avec un budget pharaonique de 3 milliards d’euros

Depuis que Russie Unie contrôle le pays, le « colosse aux pieds d’argile » veut retrouver sa splendeur perdue depuis la Guerre Froide. Après l’annonce d’un réarmement sans précédent de l’armée, qui est aussi en décrépitude, c’est au tour de sa puissance et son potentiel scientifique de bénéficier d’une technopole compétente pour rivaliser à la concurrence occidentale et asiatique.

Le Centre d’innovation Sholkovo devrait être opérationnel en 2014, année de la réception des Jeux Olympiques d’hiver de Sotchi. Autre symbole d’un regain de prestige pour un coût de 10 milliards d’euros. Le Kremlin a même annoncé que Sholkovo accueillera le sommet du G8 de cette année 2014 qui s’annonce grandiose pour la Fédération de Russie.

Via les revenus que dégage Gazprom - dont l’Etat est actionnaire majoritaire, l’entreprise est la 3ie capitalisation boursière mondiale - l’argent coule à flot avec cette arme de financement massive. Pour attirer les scientifiques et les industriels dans cette région au climat inhospitalier, une ville du future va être construite, des résidences design, luxueuses et arborées, un esprit écolo avec des déplacements en voiture électriques ou à vélo, deux stations de métros. Un français, Jean Pistre dirige l’équipe d’architectes.

Rapatrier les cerveaux russes

En Europe, la France s’est dotée de plusieurs technopoles, à Grenoble, le récent Sophia Antipolis à Nice et bien d’autres. L’Allemagne quant à elle en compte encore plus grâce à un accord passé entre les PME et le secteur de la recherche. En Russie, le projet est novateur et unique. Il est aussi indispensable. Depuis la chute de l’URSS, le pays ne dispose plus d’un secteur scientifique performant en raison notamment d’une « fuite des cerveaux » et d’un manque d’investissements dans une économie exsangue. Grâce à un budget revitalisé par les hydrocarbures, le but avoué est « d’attirer les Russes qui enseignent à l’étranger et de changer la perception actuelle de ce qu’est un ingénieur en Russie, à savoir un loser » selon Alexandre Turkot qui s’est lui même expatrié vers Israël et les Etats-Unis dans les années 90.

Un projet attractif

Sur les 600 entreprises que pourra accueillir le centre d’innovation, environ 400 bénéficient déjà d’une agrégation de l’Etat. Intel, Cisco, Alstom ou encore EADS sont déjà présents. Microsoft, Boeing ou Siemens sont en négociation pour y implanter des filiales. Denis Caromel, professeur à Shopia Antipolis et patron d’une start-up informatique, va implanter une filiale sur le site, « nous y voyons des intérêts multiples : développements commerciaux en Russie et en Europe de l’Est, accès à des ingénieurs très qualifiés, cofinancement par le gouvernement et les investisseurs locaux »

L’université construite sur place va être en collaboration avec le prestigieux MIT de Cambridge aux Etats-Unis.

Les cinq domaines principaux (les clusters) du site seront les technologies informatiques, l’efficacité énergétique, le nucléaire, le biomédical et l’espace. Un secteur qui n’est pas sans rappeler les atouts de la Russie, héritière d’un URSS qui a envoyé les premiers hommes en orbite et développa les fameux satellites Spoutnik qui ont grandement contribués à la conquête de l’espace.

Des problématiques « locales »

La corruption est bien sûr une inquiétude, c’est aussi la raison pour laquelle le projet est piloté par un oligarque, Viktor Vekeslberg, huitième fortune mondiale selon le magazine Forbes. « Ce projet est trop complexe pour un fonctionnaire d’Etat » et cela ne choque personne en Russie.

En effet, un des principaux obstacles à l’expansion de la science russe est une bureaucratie cauchemardesque critiqué ouvertement pour l’actuel président. La nomination d’hommes politique à la tête des instituts et la pression des services secrets empêchent le secteur d’acquérir une indépendance primordiale à son développement. Si on ajoute à cela un défaut de formation et un vieillissement des enseignants, tous ces facteurs ont relégué la Russie derrière la Chine et l’Inde dans la recherche scientifique.

La Silicon Valley de Sholkovo est censée être le remède d’une science russe malade mais qui n’a pas dit son dernier mot.

Par Arthur Beaufils

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