Hier soir, lors d’une interview diffusée sur une chaîne du mouvement chiite libanais Hezbollah, Bachar al-Assad s’est dit très confiant dans la victoire de ses troupes face aux rebelles et prêt à se présenter à la présidentielle de 2014 « si le peuple le voulait ».
« Si le peuple le veut »
Le président syrien a déclaré jeudi qu’il ne se porterait candidat que sur la seule volonté du peuple : « Mon départ ou mon maintien à mon poste dépend uniquement de la volonté populaire. Toute personne qui réclame mon départ doit d’abord nous dire qui elle représente. Est-ce qu’elle a le mandat du peuple pour formuler une telle demande ? J’ai entendu parler de l’initiative de l’opposition, ils me proposent de quitter la Syrie avec 500 personnes et me donnent vingt jours pour y réfléchir, je me réjouis à cette idée». Une annonce non sans arrogance, sur fond de règlements de compte avec la communauté internationale et Israël.
Les « prérogatives» d’un président
Assad a donné son accord de principe à la Conférence de paix du 5 juin initiée par Washington et Moscou, mais a refusé catégoriquement toute condition, dont celle, bien entendu, de quitter le pouvoir. Il a tenu à rappeler, par un raisonnement pour le moins original, qu’il s’accrochait à son siège et que rien ni aucune puissance occidentale ne l’en ferait partir, « au seul nom de la Constitution », évidemment : « Les prérogatives du président sont fixées par la Constitution et le président ne peut pas abandonner ses prérogatives, la Constitution ne lui appartient pas ».
Concernant le projet de la Conférence de paix Genève 2 à l’initiative des Russes et des Américains, il ne cache pas sa réticence, en faisant déjà savoir que tout accord entre son régime et l’opposition sera soumis à un « référendum populaire » : « Eux disent qu’ils veulent un gouvernement de transition où le président n’a aucun rôle ». Un message bien clair pour rappeler aux pays occidentaux qui réclament son départ de ne pas s’attendre à trop de flexibilité de sa part.
Toutefois, est-ce encore possible d’espérer un consensus lorsque l’on entend Assad tenir ensuite le discours suivant : « L’opposition elle, elle représentera qui ? Lorsque la conférence sera terminée, nous, nous rentrerons en Syrie dans nos maisons auprès de notre peuple. Et eux, où est-ce qu’ils iront ? Dans leurs hôtels ? Ou alors ils iront faire leurs rapports aux services de renseignements des pays qui les accueillent ? De toute façon, nous savons bien qu’à Genève nous allons négocier avec les pays qui se cachent derrière l’opposition. D’ailleurs, si ces pays posent de nouvelles conditions, nous ne participerons pas à la conférence. »
Autrement dit, une conférence ayant pour objectif de chercher des alternatives de paix, avec un acteur refusant toute concession : tout espoir d’aboutissement positif semble bien maigre.
Règlements de compte en direct
Le président syrien en a profité pour confirmer la livraison de missiles russes S-300, une cargaison qui devrait s’agrandir prochainement, avant d’arguer que les accords avec la Russie sont honorés et continueront de l’être dans les années à venir.
D’autre part, Israël a récemment bombardé à Damas un stock de missiles perfectionnés qui étaient destinés au Hezbollah libanais. « Face à ces agressions israéliennes répétées », le président a fait savoir qu’il y avait en Syrie « une véritable pression populaire » pour ouvrir le front du Golan avec Israël, qui occupe ce plateau depuis 1967. Il aurait ensuite menacé de répliquer immédiatement à toute nouvelle attaque. Une agressivité qui se heurte à la volonté d’Israël de ne pas provoquer «d’escalade» avec la Syrie, souhaitant avant tout s’opposer au transfert d’armes «stratégiques» au Hezbollah.
Enfin, dans le monde de M. Assad, le Parti de Dieu et l’armée syrienne ne font qu’un, et s’évertuent à lutter contre ceux qu’il nomme « les terroristes », et dont 100 000 seraient des combattants étrangers. Il a d’ailleurs exprimé sa fierté face à ses soldats qui, contrôlant déjà à 80% Qousseir, se préparent à attaquer la dernière poche rebelle de la ville.
En bref, un discours bien décalé avec la réalité si l’on se réfère aux combats qui ont déjà provoqué la mort de plus de 94 000 personnes en plus de deux ans selon une ONG syrienne, et poussé à la fuite plus de 5 millions de Syriens, manquant cruellement d’aide médicale sur place.