SIDA: un bébé guérit du VIH, et après?
Un enfants aurait guéri du SIDA aux États-Unis. Lors de la Conférence internationale sur les rétrovirus et les maladies opportunistes, une équipe de chercheurs a annoncé que cet enfant qui était né avec le VIH n’était désormais plus contaminé, suite à un traitement.
Depuis plus de trois décennies, le SIDA a provoqué la mort de milliers de personnes, et jamais une équipe de scientifiques n’a réussi à mettre au point l’antidote qui permettrait de guérir du virus. Certes, la médecine a progressé et l’espérance de vie des malades ne cesse de s’allonger, mais guérir du SIDA est encore, en 2013, un rêve inaccessible.
D’ailleurs, vingt-cinq millions de cadavres plus tard, tous les experts sont unanimes: pour le moment, le SIDA est un mal dont on ne guérit pas. Après quelques années de lutte, la plupart des patients finissent par être rattrapés par la maladie, surtout si à la différence de Magic Johnson, ils n’ont pas les moyens d’accéder aux derniers traitements très onéreux qui pourraient leur permettre d’allonger leur fin de vie.
Alors, quand un enfant issu des classes populaires du Mississipi guérit soudainement de cette maladie incurable, le monde scientifique s’émoustille. En effet, même si pour le moment, cette découverte n’a pas encore fait l’objet d’une revue médicale et scientifique avec comité de lecture, il se pourrait bien qu’elle change le monde.
Le patient zéro de la guérison
En 1984, Gaëtan Dugas importait le SIDA aux États-Unis. À un rythme frénétique, ce stewart homosexuel avait l’habitude d’enchaîner les voyages comme ils enchaînait les partenaires. En quelques années, il aurait contaminé, directement ou par personnes interposées, au moins 40 des 248 malades américains diagnostiqués avant avril 1982. Bref, un champion dans son genre, car non content de condamner inconsciemment à mort ses partenaires sexuels, Dugas a, dès novembre 1982 (date de la découverte de sa maladie) souhaité conserver son mode de vie. Sciemment, il avisait ses partenaires après le passage à l’acte. Il avait pris l’habitude de leur dire alors : « J’ai le cancer gay ; je vais en mourir ; toi peut-être aussi… « Lors d’une interview médicale, il avait déclaré sans aucune fausse honte : « Je l’ai eu ; ils peuvent l’avoir aussi. ».
Heureusement, Gaëtan Dugas est mort, et la recherche a progressé. Âgé de deux ans et demi, l’enfant qui a guéri avait été contaminé de manière périnatale par le VIH. Les différents examens biologiques pratiqués à la naissance avaient parfaitement établi que l’enfant avait bien contracté cette infection in utero (ou plus vraisemblablement lors de l’accouchement). Le taux de l’infection étant relativement bas, l’équipe médicale a alors décidé d’administrer au nouveau né une association de trois médicaments antirétroviraux, et ce dès sa trentième heure de vie.
Vingt jours après le début du traitement, aucune trace de VIH n’était plus décelable dans le sang de l’enfant. Il en est de même aujourd’hui, les seize examens biologiques pratiqués ayant tous conclu à une disparition du virus de son organisme.
«Les médecins ont perdu la trace de la fillette pendant de longs mois et l’ont revue seulement à l’âge de vingt-trois mois. Ils ont appris à cette occasion qu’elle ne prenait plus de traitement depuis l’âge de dix-huit mois, indique sur son blog Jean-Daniel Flaysakier, journaliste médical de France 2 présent à la conférence d’Atlanta. Malgré cet arrêt, les examens restaient négatifs, toujours pas de charge virale détectable dans le sang.»
Peut-on pour autant parler de «guérison»? La question reste pour l’heure ouverte.
Pour le Dr Deborah Persaud (Université Johns Hopkins, Baltimore), il s’agit d’une «guérison fonctionnelle», une précision sémantique qui traduit l’incertitude des médecins et des virologues quant au véritable statut de cet enfant. L’une des hypothèses est que le traitement antirétroviral très précoce et (inhabituellement) intensif a permis d’obtenir une éradication du virus de l’organisme. Le VIH n’aurait alors pas eu l’opportunité de gagner les sanctuaires (ou «réservoirs») immunitaires au sein desquels il peut rester à l’état latent et reprendre ultérieurement sa réplication.
Cependant, même si aucun nouveau né n’avait jamais été guéri du SIDA, ne publication du New England Journal of Medicine datée de 1995 avait détaillé le cas de Timothy Brown, un malade habitant à Berlin, souffrant de leucémie, et qui avait reçu une greffe de moelle osseuse provenant d’un donneur génétiquement résistant au VIH.
«Pour la pédiatrie, c’est notre Timothy Brown, a déclaré le Dr Deborah Persaud au sujet de cet enfant. C’est la preuve de principe que nous pouvons guérir l’infection par le VIH si nous pouvons reproduire ce phénomène.»
Néanmoins, la «preuve de principe» n’est pas une démonstration, seulement l’espoir concret que cette démonstration est possible. Pour le moment, des travaux sont en cours pour lancer de nouveaux essais cliniques. Ils viseront à modifier les protocoles thérapeutiques des nouveau-nés dont on découvre à la naissance qu’ils sont porteurs du VIH et qui n’ont pas pu être traité, avec leur mère, durant la grossesse. Logique, n’est-ce pas?
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