Le créateur de mode coréen, Hyun Soo Kim, bouleverse les codes du « chiffon » avec sa nouvelle collection, Oonuymi, directement inspirée du surréalisme, et même, pour les observateurs les plus conservateurs, de l’absurde. Entre droiture d’esprit et voyages tortueux aux accents psychédéliques, le processus créatif d’élaboration du phénomène Oonuymi est des plus complexes, mais ô combien délicieux…
La mode actuelle est à l’image de la société dans laquelle nous vivons: elle est phagocytée. Parce que les humains - grâce à « la civilisation » - sont devenus hyper-conscients - l’abondance d’informations constantes a mené les esprits à se démultiplier et donc, de là est née, un peu, la génération des slasheurs - la mode a suivi l’air du temps, et paradoxalement s’est figée, comme si le flux (trop?) infini d’influences diverses avait neutralisé la créativité.
Il est loin désormais le temps où Lagarfeld, Mugler ou Saint-Laurent rivalisaient d’originalité pour coller au dynamisme artistique de l’époque, de la fin des seventies à la mort des eighties. Aujourd’hui, tout n’est que rigueur, précision et… chiffres! Pour qu’une collection sorte, il faut qu’elle plaise, il faut que le consommateur l’aime, et même si cela a toujours été vrai, ça l’est encore plus actuellement, dans un monde où l’argent est roi.
Alors, à part quelques fêlés, personne n’ose plus se frotter à la création pure, à l’invention de concept. Hyun Soo Kim est lucide. Sa rigueur, il l’a apprise à l’université de Séoul, en étudiant le modélisme pour « l’homme », et à l’armée (obligatoire en Corée). Comme de nombreux autres jeunes Coréens de son époque, Hyun Soo a beaucoup voyagé, mais c’est à Paris qu’il a choisi de s’arrêter. « Les parisiennes et l’atmosphère incroyable de cette ville » l’ont directement séduit. Paris n’est donc pas la ville du coup de foudre pour rien.
Si aujourd’hui Hyun Soo kim crée des vêtements pour les femmes, c’est quasiment exclusivement grâce (ou à cause) des parisiennes. Le concept se niche lui dans l’approche de la silhouette féminine, car existe-t-il quelque chose de plus compliqué à vêtir qu’une femme? Oui, pour Hyun Soo, il y a les fenêtres…
« Si j’arrive à habiller une fenêtre, je peux tout habiller »
Le projet devient complètement délirant quand, à la place de simplement dessiner une collection Femme/fenêtres, Hyun Soo choisit d’adapter le vestiaire de nos ouvertures vitrées au corps de la femme. Beaucoup s’y seraient probablement perdus, pas lui, et sa collection est une réussite.
La mannequin devient fenêtre, elle laisse son âme au vestiaire avant le shooting, et la fenêtre devient femme, elle prend vie. Le vêtement sublime le tout, dans une absurdité si exquise qu’elle séduirait les plus classiques de ces dames. « L’oeil existe à l’état sauvage » écrivait André Breton en 1928. Huit décennies et demi plus tard, le salut est venu d’un jeune Coréen, Hyun Soo Kim, qui a rendu à l’oeil domestiqué son état sauvage. Aimez ou détestez, vous n’avez pas le choix, sinon, c’est l’asile, avec Antonin Artaud… Entre surréalistes et anti, on se comprend…
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Crédit photo : Maxime Frogé