« Something Must Break » : troublantes étreintes

Un film d’ Ester Martin Bergsmark avec Saga Becker, Iggy Malmborg, Shima Niavarani. Sortie le 10 décembre 2014.
Le pitch
Stockholm, entre zones industrielles et terrains vagues, Sebastian, un garçon à la beauté troublante, habillé en Ellie, enchaîne les aventures sexuelles avec de parfaits inconnus. Alors que tout est à deux doigts de déraper, le téméraire Andreas apparaît et le,la, sauve in extremis. Sebastian - Ellie tombe immédiatement amoureux d’Andreas, le rebelle au blouson en cuir. Celui-ci lui précise qu’il n’est pas gay. Commence alors une relation étrange et de plus en plus passionnée…
L’avis
C’est un premier long métrage de fiction du Suédois Ester Martin Bergsmark. Il a reçu le Tigre d’Or cette année au Festival de Rotterdam. Le film est une adaptation du roman d’Eli Leven. Si l’on s’attarde sur le titre, « Something Must Break » est une formulation assez ambigüe. Est-ce le rapport qu’on a vis à vis des êtres comme Sébastien qui ne trouvent pas leur place dans notre société ? Est-ce sa relation avec Andreas qui a une attraction-répulsion pour la beauté d’Ellie ? Est-ce le constat du réalisateur qui, à le voir, n’a peut-être pas lui-même résolu sa situation de « genre » ? « Something Must Break » ne ressemble à rien de ce que l’on a pu voir au cinéma. Il rappelle cette histoire d’amour étrange dans le film de « Crying Games » de Neil Jordan. C’est un film, comme le personnage principal, bouleversant, déroutant et d’une brutalité inouïe à la fois. La mise en scène est simple, juste, avec des scènes de sexe d’une pudeur et d’une poésie stupéfiante. Bien sûr la découverte du corps de l’autre est essentielle dans cette histoire et Bergsmark a su très bien la filmer. On se doute qu’il se sentait très concerné par ces scènes.
Le travail sur la bande son musicale est très important, primordial. La chanson « I Never Loved This Hard This Fast Before » chantée par la suédoise Tami Tamaki, aux paroles très crues, semble vraiment avoir été écrite pour le film. Mais « Something Must Break » tient surtout par la présence de Saga Becker dans le rôle de Sébastien-Ellie. Il est littéralement le personnage. C’est la grande chance qu’a eue Ester Martin que ce non acteur soit venu se présenter au casting. On pourrait même croire que c’est sa propre vie qu’il interprète. Il est Sébastian. Il se dégage de Saga une tendresse, une infinie douceur et en même temps une violence contenue qui font de ce personnage un être unique au cinéma. « Il est d’ailleurs » comme il le dit dans les dialogues. C’est aussi un film sur la souffrance et la jouissance mélangées. C’est une expérience unique au cinéma entre documentaire et grand mélo romantique, on n’en ressort pas indemne, donc à ne pas manquer.
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Ester Martin Bergsmark fait partie de cette nouvelle génération de réalisateurs suédois sortis d’écoles d’art, et cela se sent. Comme ses collègues, il/elle fait éclater les genres Masculin/Féminin, Documentaire/Fiction et mérite vraiment qu’on s’attarde à son œuvre.
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