« Casse » de Nadège Trebal, intelligent

Casse, un film de Nadège Trebal. Sortie le 1 octobre 2014.
Le pitch :
Des hommes viennent du monde entier dénicher leur bonheur d’entre tous les vestiges d’une casse automobile. À travers cet océan d’épaves à ciel ouvert, le monde se monte, et se démonte à chaque rencontre.
L’avis :
C’est dans un décor apocalyptique que la cinéaste Nadège Trebal a posé sa caméra pour y filmer ces moments de vie. Casse n’est pas un documentaire, c’est un vrai film avec des « acteurs anonymes ». Et il a même ses stars. Sibri et Oumar qui, comme des comédiens de stand up, racontent leur propre histoire, réfléchissent à haute voix sur la condition humaine, le rapport à l’autre, aux femmes, à l’amour… On n’est pas loin de chez (Eric) Rohmer.
Oumar, oubliant la caméra comme un acteur accompli, relate sa traversée de l’Atlantique en pirogue pour arriver en Europe et l’instant où il croyait être mort. Il a un sens du récit que peu de scénaristes de fiction en France seraient écrire. Ce voyage prend des dimensions mythologiques. Il y a aussi cette présence singulière, cet homme âgé qui tout en essayant de se procurer un pièce sur une carcasse de voiture, parle de son arrivé en France, de son exploitation par ses patrons, de l’amour qu’il porte à sa petite fille et à son pays d’adoption… Il y a ainsi de nombreuses scénettes qui par une mise en scène précise, faite de plans fixes, de superbes travellings permettent à Nadège Trebal de faire un film intelligent et sensible. Il n’y a rien de misérabiliste dans son film, bien au contraire. Elle montre comment des gens se donnent des moyens de s’en sortir en travaillant dans des conditions épouvantables. De part son regard, elle arrive à magnifier ces hommes, à leur donner une puissance, à les rendre beaux. Comme elle l’exprime si bien : « Quoi qu’en dise le titre, ce n’est pas de la casse que je filme, mais de la pensée. » Ce film démontre encore un fois que cette dénomination documentaire / fiction - attribuée à des longs-métrages comme Party Girl - devrait disparaître. Ici cette réalité dépasse largement la fiction.
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